Championnat Concacaf U17 : Lourdjina Étienne,
- l’arbre qui cache les lacunes de nos Grenadières
- Par Ricot Saintil
La Sélection haïtienne des moins de 17 ans participe actuellement au tournoi qualificatif de la Concacaf pour la Coupe du monde de cette catégorie, prévue en République dominicaine, du 16 octobre au 3 novembre 2024. Évoluant dans le groupe A, aux côtés du Costa Rica, du Salvador et du Mexique, l’équipe haïtienne a remporté ses deux premiers matchs contre le Costa Rica (2-1) et El Salvador (5-3) avant de subir une défaite (0-4) face au Mexique, lundi dernier. Guidée par sa nouvelle étoile, Lourdjina Étienne, la Sélection haïtienne a suscité une grande euphorie parmi les supporters, qui rêvent d’une possible qualification pour le Mondial. Cependant, la défaite contre le Mexique met en évidence les limites des Grenadières, apparemment insuffisamment préparées pour rivaliser avec les poids lourds de la Concacaf. Entre les performances exceptionnelles de Lourdjina Étienne, auteure de 6 réalisations, et les déficiences tactiques et techniques de l’équipe, il est impératif d’examiner attentivement la situation du football des jeunes, incitant ainsi les responsables à agir dans l’intérêt de nos jeunes talents.
Composée de joueuses formées à l’Académie Camp Nous, ayant participé à la CFU U14 Championship, en 2022, la Sélection U17 bénéficie d’une base solide, et même avec une préparation minimale elle peut aspirer à remporter des matchs contre certaines équipes de la zone Concacaf. Les joueuses de cette sélection ont débuté leur formation au ranch de la Croix-des-Bouquets, encadrées par les entraîneurs de la Fédération Haïtienne de Football (FHF). Grâce à cette formation d’élite, elles ont su dominer les équipes du Costa Rica et du Salvador, de par leur avance notable au niveau des jeunes dans la région Concacaf. Cependant, malgré ces succès, il est essentiel de reconnaître que nos véritables adversaires devraient être le Mexique, les États-Unis et le Canada. Bien que la Sélection haïtienne ait démontré sa supériorité face à ses deux premiers adversaires, les joueuses ont exposé leurs limites dans le jeu, en raison du manque de préparation et du désintérêt des dirigeants de la FHF envers les jeunes, qu’ils soient filles ou garçons. Malgré l’impact positif de Lourdjina sur le public haïtien, lors des deux premiers matchs du championnat féminin de la Concacaf, le niveau de jeu collectif laisse à désirer. La défaite face au Mexique donne déjà un aperçu des défis qui nous attendent contre les États-Unis, leaders du groupe B. Des ajustements sont nécessaires pour relever ce défi avec succès.
Bien avant la dernière phase des éliminatoires, pour le Mondial féminin U17, les Grenadières avaient brillamment remporté la première phase, en août 2023. Lourdjina Etienne se distinguait déjà par son instinct de buteuse. Cependant, après cette qualification, il est crucial de noter que les filles ont été laissées à elles-mêmes, sans aucun soutien de la FHF. Même si Camp Nous ne peut plus accueillir les jeunes, pour diverses raisons, la qualification pour la dernière phase aurait dû inciter les dirigeants à prendre des mesures pour permettre à ces jeunes filles de rester compétitives. Malheureusement, rien n’a été entrepris en ce sens.
La FHF a attendu trois mois après la qualification, soit en décembre, pour convoquer une préliste, travaillant en Haïti, environ une semaine avant de se rendre au Mexique, pour une période d’acclimatation. Le temps de préparation des Grenadières ne répond pas aux exigences du haut niveau. Le travail physique et tactique effectué au cours de cette période est insuffisant pour tirer le meilleur parti de nos joueuses. Ainsi, même si Haïti parvient à gagner, comme elle l’a fait, lors de ses deux premiers matchs, la tâche sera compliquée, face à des adversaires de niveau supérieur.
La Sélection haïtienne présente des lacunes évidentes. Les faiblesses tactiques résultent du manque de préparation, tandis que les problèmes physiques rencontrés par nos filles sont manifestes. Bien qu’elles maîtrisent les fondamentaux du jeu, elles peinent à livrer un match complet sans failles. Souvent exposées aux attaques répétées de leurs adversaires, elles subissent trop fréquemment les assauts de l’équipe adverse. Toutes ces lacunes dé coulent d’une préparation bien trop courte, qui ne facilite pas leur tâche. Au milieu de tous ces défauts, la métamorphose de Lourdjina Etienne, qui a sublimé l’équipe haïtienne par ses buts d’anthologie, se distingue. Elle est l’arbre qui cache la forêt, empêchant ainsi de véritablement déceler les limites de nos Grenadières, bien trop approximatives pour décrocher l’un des deux billets qualificatifs pour le Mondial de cette catégorie. Des ajustements et un engagement plus soutenu des dirigeants sont impératifs pour garantir un ni veau compétitif adéquat.
Bien que, dans l’ensemble, la production de jeu des Grenadières soit indigeste, la performance exceptionnelle de la nouvelle étoile haïtienne est comparable à un mets délicieux, un pur régal. La dernière Grenadière à avoir éclaboussé de son talent les compétitions de la Concacaf se nomme Corventina. Elle a propulsé Haïti vers des sommets inimaginables en alliant puissance, technique, vitesse, finesse et finition à un niveau exceptionnel. Les prestations de Lourdjina s’inscrivent dans la même lignée que celles de la Lyonnaise. Lourdjina est tout simplement en train de marcher sur ses traces. Cette réussite individuelle est une grande satisfaction, mais elle ne doit pas nous faire perdre de vue le collectif, qui peine à suivre le rythme auquel évolue Lourd jina. Elle réussit son tournoi sur le plan individuel, et son nom fait probablement déjà le tour du monde. En Haïti, elle est déjà adoptée par le public, qui la réclame, même en sélection nationale senior. C’est une véritable perle qu’il faudra préserver précieusement, même si ceux qui devraient en prendre soin ne se sont jamais montrés à la hauteur des nombreuses tâches pour lesquelles ils sont rémunérés depuis environ quatre ans.
Le redressement du football haïtien implique inévitablement la prise en charge de la FHF par un comité exécutif élu, mandaté par des dirigeants de clubs pour relancer le football. La qualification d’une Sélection haïtienne à une compétition internationale ne génère aucun revenu pour la FIFA ni, pour la Concacaf. En contraste, nous représentions une menace pour les équipes de la zone. En 2019, Haïti a failli priver la Concacaf de plusieurs millions de dollars, si les Grenadiers venaient à éliminer le Mexique. Imaginons les retombées financières d’une finale États-Unis vs Mexique dans les caisses de la Concacaf. Il était impératif de freiner l’élan du football haïtien en sacrifiant l’homme qui a impulsé cette transformation fulgurante du football haïtien.
En définitive, des dirigeants de football intelligents et responsables auraient tout mis en œuvre pour qualifier Haïti à cette Coupe du monde, qui se déroulera en République dominicaine. La Sélection haïtienne des moins de 17 ans, tout comme la construction du canal sur la rivière Massacre, méritait une solidarité à grande échelle pour une mobilisation totale derrière l’équipe féminine U17. Malheureusement, nous risquons de manquer une opportunité unique, celle de participer à une phase finale de Coupe du monde U17, qui se déroulera sur l’île d’Haïti, bien que ce soit en République dominicaine. Cette organisation décrochée par Santo Domingo est un affront au football haïtien, qui a toujours été en avance sur le pays voisin. Si nous ne parvenons pas à nous qualifier pour cette Coupe du monde, la République dominicaine remportera une bataille symbolique. Des ajustements stratégiques et une solidarité accrue sont indispensables pour surmonter ces défis. En attendant la suite de la compétition, pour connaître le sort des Grenadières, nous tirons la sonnette d’alarme sur les menaces de déperdition auxquelles sont exposés nos joueurs et nos joueuses de football.
- RS
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIIII, No.021 et se trouve en P.16 à : h-o 7 fevrier 2024