La chronique de Jean Chrétien : Les Libéraux et l’environnement

LA CHRONIQUE DE JEAN CHRÉTIEN

  • Les Libéraux et l’environnement
  • Par Jean Chrétien 

Aujourd’hui plus que jamais, notre société est éveillée aux réalités écologiques. Pourtant, la dégradation de l’environnement continue d’empiéter sur notre qualité de vie, pensons à l’appauvrissement de la couche d’ozone et à l’épuisement de nos stocks de morue. Dans ce contexte, il est clair que nous avons extrêmement besoin de leaders politiques capables de prendre des décisions éclairées en fonction de notre avenir écologique.

Il ne s’agit pas seulement de ranger la protection de l’environnement avec le devoir moral, il faut aussi être capable de déceler toute l’importance économique qu’elle représente pour le Canada. La vieille stratégie qui consiste à opposer les tenants du développement économique à tout prix aux écologistes purs et durs est une approche tout aussi inefficace du point de vue écologique que du point de vue économique. En fait, les pays qui sauront miser sur la nécessité du développement durable seront ceux qui, dans notre monde de mutation, en bénéficieront au cours des prochaines années. Au Canada, il faudra donc insister pour intégrer le dossier écologique à toutes nos politiques économiques, soient-elles domestiques ou étrangères.

Nous avons beaucoup appris en dix ans. Bien que les images de la tragédie de Bhopal, des seringues jonchant les plages, des déversements pétroliers tels celui de l’Exon Valdez et de la  catastrophe écologique dans la région du golfe Persique, soient gravées dans nos mémoires, force est d’admettre que notre prise de conscience écologique n’a pas fait évoluer l’attitude du gouvernement. L’absence de mesures écologiques prévues par l’Accord de libre-échange nord-américain nous en donne la triste mesure. La thèse des conservateurs dans le dossier de l’environnement s’est d’ailleurs toujours résumée à ceci : beaux discours-rien de concret-mille excuses.

Un gouvernement libéral deviendrait un véritable chef de file de la protection environnementale et du développement économique qui pourrait en résulter. Il faut révolutionner la société canadienne si nous espérons implanter une façon de faire respectueuse de l’environnement. Pour atteindre ce but, nous devons associer l’ensemble de la population canadienne – écologistes, patronat, syndicats – à toutes les étapes de sa réalisation.

LA mise en œuvre de politiques environnementales strictes encouragerait la création de technologies nouvelles et exportables sur les marchés internationaux. Inciter ainsi nos meilleurs entrepreneurs à trouver de nouvelles méthodes pour développer et protéger l’environnement pourrait permettre au Canada de gravir un échelon écologique et un échelon économique.

Ayant fait nos preuves ici, le Canada pourrait, par ce gain de crédibilité, encourager la création d’organismes internationaux pour traiter des questions écologiques d’envergure planétaire. Ceci doit devenir le pivot de la politique étrangère pour les années 90. Le Canada doit donner l’exemple.

Nos ressources naturelles ne sont pas intarissables. La forêt tropicale ne disparaîtra qu’une fois. La terre ne pourra bientôt plus absorber l’exploitation, le gaspillage et les déchets de notre société industrielle. Ce vieil adage des Flaida de la côte ouest ne saurait être plus éloquent : «Nos ancêtres ne nous ont pas légué la planète, nous l’avons plutôt empruntée à nos enfants».

Je suis persuadé que la population canadienne est prête à relever ce défi et que les libéraux sont prêts et engagés politiquement à prendre en charge le dossier écologique. Il y va de la prochaine génération de Canadiens et de Canadiennes.

*Jean Chrétien et le chef du Parti Libéral et chef de l’Opposition à la Chambre des Communes à Ottawa.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur / ISSN: 1043-3783, Vol. XXIII No. 1 New York, 20 janvier 1993 P.13