Le Grand Débat – Gérard Latortue et Lionel Paquin à Boston
- Par Rigobert Carty, photo Cham Salomon
- Boston, le 29 octobre 1995
Samedi soir (28 octobre) le cadre luxueux et attrayant du Lantana a été le théâtre d’un événement social et culturel qui ne le cède en rien à celui qui y avait lieu le 12 août dernier avec le professeur Lesly Manigat.
En effet, invité par la Haitian Developpement Network dont Evelyne Prophète est un membre du Conseil d’administration, deux brillants orateurs – le Dr Gérard Latortue et l’ambassadeur Lionel Paquin ont remué leur auditoire – par leurs savantes et instructives interventions au cours d’un diner-conférence.
Le diner une fois servi, les convives savourèrent les mets délicieux préparés par le Lantana où le dessert allait être servi, l’ambassadeur Lionel Paquin annonça les couleurs en entrainant l’assistance dans les méandres de l’histoire nationale. Il analysa les causes des malheurs de notre pays. Puis il fit état de trois grands événements qui ont bouleversé l’équilibre du monde au XVIIIe « siècle la Révolution française, la Révolution américaine, la Révolution haïtienne ».
L’ambassadeur Paquin souligna que la Révolution haïtienne a contribué à la dislocation politique du monde. Car le rhum, le café, le tabac, le sucre, la molasse constituaient l’enjeu pour le contrôle de la Caraïbe. Par conséquent, l’indépendance d’Haïti a créé une dislocation de l’économie française. C’est pourquoi notre pays a souffert énormément de l’ostracisme de l’Europe, de l’Amérique et même du Pape qui pendant 60 ans, avait refusé de nous considérer comme chrétien.
Nous avions dû payer à la France 150 millions d’écus d’or, soit un équivalent de 20 milliards de dollars, pour avoir déculotté les Français. Triste réalité ! Nous avons été aux prises avec les Américains qui voulaient s’emparer du Môle St. Nicolas sous Florvil Hyppolite, dont le ministre des Relations extérieures fut Anténor Firmin. Haïti utilisa toutes sortes de stratagèmes pour ne pas accorder le Môle Hélas ! bien plus tard, notre nation a été humiliée. Nous avons payé chèrement notre indépendance acquise au prix de hautes luttes. Mais cette humiliation est la résultante de la division de notre société en classes : élite, (mulâtre et noire) et la masse.
Puis vient le tour du Dr Gérard Latortue qui, après avoir remercié les organisateurs du diner-conférence pour leur invitation, lança un appel solennel pour l’union de tous les Haïtiens, quelle que soit leur tendance politique, afin d’éviter une disparition prochaine de notre chère Haïti. Il se dit n’être membre d’aucun parti politique. Puis il traça les grandes lignes de son exposé sur l’existence de la « Haitian Developpement Network ». Le rôle de la diaspora dans le futur développement du pays, l’impact du nouvel ordre mondial sur Haïti, les changements du monde en mutation qui affectent Haïti, le contenu de l’ajustement structurel, la privatisation, en mettant l’accent sur l’évaluation des actifs, les futurs acheteurs, la mise en place de la privatisation, la vision globale pour la privatisation.
Le Dr Latortue traita chacun de ces points avec un luxe de détails à la grande satisfaction de son auditoire qui l’a couvert d’applaudissements.
L’orateur s’est acquitté de sa tâche avec brio.
Après sa brillante et sa savante intervention, la partie culturelle s’ouvrit avec Maude Destiné qui entretint l’assistance en faisant appel aux ressources de son imagination de créatrice, contribuant ainsi à soulever l’émotion de tous par le contenu tragi-comique de la situation actuelle d’Haïti qui lui a inspiré une chanson émaillée de tristes vérités qui ont ému l’assistance.
Puis vint le tour d’une jeune artiste qui égaya l’assistance dans l’exécution de deux danses folkloriques.
Ensuite le débat s’ouvrit entre les deux orateurs et l’assistance. Différentes questions furent posées aux conférenciers. Ils y répondirent avec brio, clarté et intelligence.
L’on se sépara aux heures de minuit, chacun heureux et satisfait d’avoir goûté un moment de détente instructive dans une atmosphère empreinte, de fraternité et de convivialité.
- Bravo pour les organisateurs !
- Rigobert Carty
- Boston, le 20 octobre 1995
Cet article est publié par l’édition H-O VOL. XXVI No. 47 NY 15 novembre 1995 (hébergé le lundi 30 janvier 2023), et se trouve en P.9 :