Débordé, Washington tarde à prendre les décisions qui s’imposent par Pierre Quiroule II

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Son mandat de président constitutionnel ayant pris fin dimanche dernier, 7 février, Jovenel Moïse, président de facto, lance une campagne de répression tous azimuts, revenant aux jours d’antan de François Duvalier, dit Papa Doc, qui utilisait ses tontons-macoute et autres, pour semer l’angoisse et le deuil dans les familles haïtiennes. Que ceci se passe sous les yeux des diplomates du CORE Group est incompréhensible. Que tout se fait avec la bénédiction de Michèle Sison, l’ambassadeur des États-Unis, et Helen Meagher La Lime, cheffe du BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti), dépasse l’entendement.

Comme au temps des Duvalier, on invente un complot, présentant les armes que comptaient utiliser les assaillants pour entreprendre leur coup, soit une machette et sept fusils, des munitions et de l’argent liquide, sans dire combien de milliers de ou millions de dollars. Voilà un arsenal pour envahir le Palais national, sous haute surveillance de la USGPN, l’unité de Police spécialisée, sous les commandes de Dimitri Hérard. Tout cousu de fil blanc. En tout cas, le président ne s’en est pas inquiété, car le même jour il s’est envolé, avec son épouse, pour aller s’égayer au Carnaval de Jacmel.

Mais il a fallu ce « coup d’État» pour permettre au président de facto d’entreprendre les mesures nécessaires faut pour asseoir sa dictature, notamment des arrestations en série de gens dits de l’opposition, même un juge de la Cour de cassation, Yvickel Dabrésil, et l’inspectrice de police Marie-Louise Gauthier, ainsi que sa sœur Marie Antoinette Gauthier, parmi d’autres. (On a appris, hier après-midi, mardi 9 février, que le juge, qu’on disait libéré, a été transféré à la prison civile de la Croix des Bouquets.)

N’ayant plus de places dans au Pénitencier nationales, le ministre de la Justice, Rockefeller Vincent, a-t-il transformé le Lycée Pétion en geôle, en attendant que d’autres institutions connaissent le même sort. Du train où vont les choses, sous peu tout le pays pourrait être transformé en une vaste prison. Ce sera un sauve qui-peut, remontant aux années ‘60 et ’70, quand environ 80 % de l’intelligentsia et de la classe professionnelle d’Haïti ont fui le pays, pour devenir cette vaste diaspora qui pourvoie quelque USD trois milliards (3 000 000 000,00 $) aux parents et amis restés dans l’enfer qu’est devenu la mère patrie. En effet, cela représente le tiers du PIB.

Renforçant son autorité «Après dieu», tel qu’il se nomme depuis qu’il a constaté, en janvier 2020, «la caducité du Parlement», Jovenel Moïse vient de rendre « caduc » la Cour de cassation, congédiant trois juges inamovibles à vie, puis ayant cadenassé l’immeuble logeant la Cour, ainsi que l’École de la Magistrature, car on n’a plus besoin de juges. Voilà comment il est devenu l’unique autorité en Haïti, avec l’assentiment de ses « amis » de la communauté internationale via leurs représentants diplomatiques au pays. Mais tout ceci a un prix, et les agents corrupteurs du « chef suprême » affirment que ça a coûté des millions. On voudrait croire que l’investigation en cours sur ce vaste complot contre la démocratie découvrira toutes les pistes.

*Quand les « amis » commencent à se démarquer, tout en utilisant un langage à double tranchant. Hier, mardi, 9 février, tard dans « Déclaration de l’ambassade des Etats-Unis ».

Voici in extenso le contenu : «Nous avons vu un arrêté publié très tard le 8 février dernier mettant à la retraite trois Juges de la Cour de Cassation. Nous sommes profondément préoccupés par toute action qui risque de porter atteinte aux institutions démocratiques haïtiennes. L’arrêté est en train d’être d’examiné (sic) par les instances internationales en vue de déterminer s’il est conforme à la Constitution et aux lois haïtiennes. En attendant, tous les acteurs politiques devraient se con centrer pour restituer au peuple haïtien son droit de choisir ses législateurs par l’organisation des élections législatives qui sont déjà en retard, dès que techniquement possible. Ensuite par l’organisation des élections présidentielles peu après ».

Que dire de cette note ? Sans doute, Mme Michele Sison, ambassadeur des États-Unis à Port-au-Prince, étant sous pression, de part et d’autre, pour sa gestion lamentable du dossier haïtien, voudrait indiquer qu’elle n’approuve pas tout ce que fait ses partenaires du PHTK, qui la considèrent comme une amie.

Ainsi, quand d’en haut, on lui a demandé des explications relatives aux décisions du président de facto en ce qui à trait aux juges de la Cour de cassation révoqués, en violation de la Constitution, elle devait trouver quelque chose à dire : Si elle n’avait pas encore réagi, c’est parce que c’était « très tard le 8 février » que c’est arrivé. Or, tard aussi, ici à New York, nous étions déjà au courant de ce qu’on pourrait appeler sacrilège. Si elle n’écoute pas la radio ou ne suit pas ce que rapportent les réseaux sociaux, au moins on voudrait croire qu’elle dispose d’antennes humaines à sa disposition pour l’alerter de faits d’importance. Passons.

Alors, il faut un examen par les « instances internationales » afin d’établir le bien-fondé de la mise à la retraite de juges inamovibles ? L’ambassade ne possède-t-elle pas une copie de la Constitution haïtienne, amendée ? Encore, sans nulle consultation des grands manitous internationaux, nous avons vite trouvé que l’article 177 de la Charte mère est violé par l’action de Jovenel Moïse, quand bien même il ne serait pas de facto pou Mme l’Ambassadeur ! Voir ci-dessus.

Mais elle tenait à conforter son homme, le président de facto. Alors, elle rappelle à tout le monde qu’il faut se débrouiller pour organiser les élections législatives, à la manière de Jovenel Moïse, avant les élections pour choisir le successeur de son poulain. Donc, en avant pour le 7 février 2022.

Ceux-là, y compris Michele Sison et Helen Meagher La Lime du BINUH, qui croient possibles des « élections démocratiques » sous l’égide de Jovenel Moïse, s’appuyant sur ses gangs et autres, pour harasser, kidnapper et tuer les citoyens paisibles, se leurrent sciemment. Alors, il faut agir comme le veut le dicton créole : «Veye Yo ! » (Qu’ils/elles soient sous haute surveillance).

Le procès concernant l’ «impeachment », (la mise en accusation) de l’ex-président Donald Trump a débuté hier, mardi 9 février, au Sénat américain, à Washington. Le Sénat a voté, 56 contre 44, pour entamer le procès que l’avocat de M. Trump voulait renvoyer. Il ressort que six (6) sénateurs républicains ont rejoint les 50 démocrates pour approuver la tenue du procès sur l’implication de l’ancien président dans un acte séditieux contre le gouvernement, l’assaut du Capitole, le 6 janvier dernier, par les partisans de l’ancien chef d’État qui s’étaient comportés tels des terroristes, causant cinq morts et autres dégâts matériels à l’immeuble.

Pour ce premier jour, les accusateurs, soit des députés démocrates, ont ouvert la séance en présentant les vidéos du 6 janvier, quand le président d’alors haranguait la foule, leur disant qu’ils devaient se battre comme des lions (like hell) s’ils allaient «récupérer leur pays » où, à la suite d’ « élections frauduleuses » on lui avait « volé » la victoire. Dire que toutes les institutions du pays ayant les regards fixés sur les élections avaient affirmé qu’il n’existait pas de fraude de nature à changer les résultats des élections. Même la Cour suprême, à une majorité républicaine écrasante, avait rejeté sans appel les arguments du chef d’État qui, vaincu au suffrage, le 3 novembre dernier, était toujours au pouvoir jusqu’au 20 janvier.

En fait, l’assaut du Capitole, le 6 janvier, visait à mettre hors d’action des législateurs, ainsi que le vice-président Mike Pence qui devait connaître la pendaison. Hier, lors des présentations des vidéos, on pouvait voir, entre autres actions, la potence érigée dans la cour du Capitole pour enseigner une leçon, qui serait mortelle, au vice-président de Trump, déclarant au chef qu’il ne pouvait aller à l’encontre de la Constitution et enlever la victoire à Joseph Joe Biden, tel que le voulait le président Trump, jusqu’à la dernière minute.

Ne voit-on pas des similarités avec ce qui se passe en Haïti en ces moments ? On aurait souhaité que les institutions haïtiennes soient à la hauteur des circonstances. Mais faibles de nature, elles sont, de plus, évincées par un nouveau dictateur sur la scène haïtienne.

*A Myanmar, auparavant Birmanie, le peuple a manifesté en foule devant l’ambassade des États-Unis. Hier, mardi 9 février, ils étaient des milliers devant l’ambassade pour protester contre le manque de fermeté de la part des autorités américaines face au coup d’État, le 1er février dernier, d’officiers birmans dont le parti qu’ils appuyaient avait perdu aux élections du 8 novembre de l’année dernière. Histoire à suivre.

*Du Cap-Haïtien, la note de Gérard Maxineau annonçant la mort de Charles Manigat. Un sujet de grande tristesse pour nous. En effet, dentiste qu’il était lorsqu’il vivait à New York, depuis les années ‘60 jusqu’à la chute de la dictature, Charlie, comme on l’appelait affectueusement, se distinguait comme un vrai patriote.

Voici la note de Gérard Maxineau : « Décès ce lundi 8 février 2021 du Dr Charles Manigat, ancien doyen de l’Institut universitaire des sciences juridiques et économiques et de développement régional (Inujed) et ancien ministre des Haïtiens vivant à l’extérieur, à l’âge de 90 ans ». Nos condoléances aux parents éplorés ainsi qu’à ses nombreux amis au pays et à l’étranger, surtout à New York. Paix à son âme !

Pierre Quiroule II 10 février 2021


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur (New York) VOL. LI No. 6, édition du 10 février 2021, et se trouve en P. 16 à : http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2021/02/H-O-4-fev-2021.pdf