DANS L’ESPACE DE QUATRE JOURS, LE COMBLE POUR JOVENEL MOISE ET PHTK par Léo Joseph
- Des malheurs potentiels le 7 février
- Victimes et demandeurs de justice mijotent revanches…
En Haïti, les fins de règne sont les mêmes, mais ne se ressemblent pas. Quant à celle de Jovenel Moïse, elle fait prévoir un dénouement apocalyptique, tel qu’on n’en a jamais vu dans l’histoire contemporaine moderne. Car à force d’insister qu’il reste au pouvoir au-delà de l’expiration de son mandat constitutionnel, le 7 février, il risque d’entraîner la radicalisation de ses détracteurs voulant se défaire de lui, jusqu’à recourir à la violence. Ce qui fait dire à plus d’un qu’il se fait guetter par le même sort qu’a connu Villbrun Guillaume Sam. À la lumière de son comportement, au cours des derniers mois, il ne donne pas l’impression de tenir compte de cette menace, agitée déjà plus d’une fois, dans l’Éditorial de cet hebdomadaire, à titre d’avertissement.
Si Jovenel Moïse hésitait à croire à la détermination du peuple haïtien à le chasser du Palais national, le 7 février, ou avant, la grève de deux jours, dont le premier s’est déroulé, le lundi 1er février, ne lui laisse aucune marge de doute. L’observation, à 95 % (certains observateurs disent à 100 %), du mot d’ordre de débrayage, à l’échelle nationale, un événement jamais enregistré auparavant, à ce niveau, constitue un message clair. Ce qui devrait porter l’Exécutif haïtien à mettre de l’eau dans son vin par rapport à la violence perpétrée par ses forces de sécurité sur les citoyens protestant contre son gouvernement et exigeant qu’il respecte la date de la fin constitutionnelle de son mandat présidentiel, le 7 février. À entendre les slogans lancés dans les manifestations et les menaces proférées dans les média sociaux, ainsi qu’à l’occasion des différentes interventions sur les radios, les citoyens peuvent à peine retenir leurs émotions, potentiellement traduites en violence contre ceux qu’ils perçoivent comme étant les prédateurs, les assassins, les kidnappeurs, en sus des dilapidateurs des Fonds Petro Caribe. Dès lors, les victimes du régime dirigé par Jovenel Moïse, toutes catégories confondues, attendent impatiemment la date du 7 février pour demander des comptes aux agresseurs.
C’est curieux que Jovenel Moï se et son équipe, même en fin de règne, continue d’accélérer la machine criminelle. Dans certains milieux politiques, les rumeurs vont bon train relatives aux projet du gouvernement Moïse-Jouthe de multiplier les actes d’assassinat. Bien que certains invitent à prendre de telles informations avec un grain de sel, les faits semblent donner raison à ceux qui les répandent.
En effet, tout au long de cette dernière semaine, les policiers n’ont cessé d’exécuter les ordres reçus du Palais national pour tirer sur les activistes de l’opposition mobilisés dans les rues, principalement contre le kidnapping, aussi bien pour exiger le départ de Jovenel Moïse, à la date d’expiration de son mandat constitutionnel, le 7 février. Le dernier en date des actes criminels attribués aux hommes de main proches du Palais national a eu lieu dans la soirée du mercredi 3 février. L’ex-sénateur Nènè Cassy, arrêté illégalement, l’autre semaine, alors qu’il participait à une marche pacifique, a dénoncé une tentative d’assassinat dont il a été victime, aujourd’hui (mercredi 3 février).
Cassy a déclaré que le véhicule dans lequel il se trouvait, avec quatre autres personnes, a essuyé des tirs nourris, à Del mas 19, partis d’une Toyota Prado immatriculé « Service de l’État ». Bien qu’il n’y ait eu que des blessés, dans son véhicule, des morts sont enregistrés dans le voisinage où s’est produit la fusillade.
Quand de tels crimes sont commandités par le pouvoir, leurs auteurs ne sont jamais identifiés, encore moins punis. Ces temps-ci, de telles attaques sont attribuées à des personnes liées aux dirigeants du pays, laissant croire que ce crime restera impuni.
Les citoyens à la merci des hommes de main
Selon des sources proches du pouvoir, des instructions ont été passées aux criminels liés aux dirigeants pour qu’ils « sévissent » sans aucune retenue contre tous ceux qui demandent le départ du président le 7 février. C’est pourquoi depuis dimanche soir, lors du carnaval, des coups de feu ont été entendus, au Champ de Mars, non loin du Palais national. On rapporte qu’au moins 20 personnes auraient été blessées.
D’autre part, selon des sources généralement crédibles, des coups de feu tirés d’armes de gros calibres, ont été entendus dans la région de Bolosse, au sud de la capitale. Les mêmes informateurs ont déclaré que les thuriféraires engagés par le pouvoir profitaient de cette occasion pour essayer des armes qui venaient d’arriver d’une cargaison qu’on croyait appartenir aux autorités, dont le contenu a été débarqué au wharf de Lafiteau. On laisse croire que parmi ces armes auraient été interceptés des lance-grenades et des mitrailleuses.
Au courant de la semaine dernière, aux Gonaïves, des policiers appartenant aux brigades spécialisées de la PNH, sont arrivés dans le quartier populaire de Raboteau où ils ont tiré à hauteur d’hommes sur des jeunes gens de ce quartier. Selon des informations disponibles, au moins cinq personnes auraient été tuées, alors que plus d’une dizaine aurait été blessée.
Offensive contre les gens de Fort-Liberté
Des sources généralement crédibles ont révélé que l’administration Moïse-Jouthe a autorisé ses hommes de main à faire feu sur tous les gens qui manifestent dans les rues demandant que le chef de l’État quitte le Palais à la date fixée par la Constitution et la Loi électorale pour que prenne fin son mandat, soit le 7 février. Les citoyens de Ouanaminthe sont précisément descendus dans la rue demandant Jovenel Moïse « déposez la clé du Palais sous la porte » tôt dans la matinée du 7 février. Autrement, le peuple viendra le « chasser ». Sur ces entre-faits, des policiers en poste dans cette ville, proche de la frontière avec la République dominicaine, ont fait feu sur des manifestants. Selon des témoins sur place, au moins une personne a été tuée et plusieurs autres blessées.
Le même incident s’est produit à Fort-Liberté, mais on n’y a enregistré que des blessés. On laisse croire que les manifestants ont scandé des slogans disant, notamment, vouloir présenter des excuses au peuple haïtien de lui avoir « donné un criminel et un nul pour président ».
Aux Gonaïves, les mêmes policiers soudoyés par le Palais national ont continué la série noire avec une attaque sur un hôtel du sénateur Youri Latortue. S’il n’y eu aucun mort, des té moins sur les lieux ont fait savoir que des dégâts importants ont été enregistrés à l’intérieur de l’immeuble.
Mais, aux Cayes, dans le département du Sud, une manifestation a été dispersée violemment par les policiers qui avaient, dans un premier temps, arrêté un leader communautaire. En réaction, la foule, qui était évaluée à plus de 5 000, ont investi le commissariat exigeant que le prisonnier soit libéré sur le champ, au risque de voir le local de la police incendié. Il semble que les responsables des forces de l’ordre aient compris le grand danger auquel était exposée la garnison, car la mise en demeure des manifestants a été suivie. Par ailleurs, les observateurs s’interrogent sur les intentions du sénateur du Sénat, qui tarde encore à honorer la promesse que des proches de Michel Martelly laissent croire qu’il lui avait faite, et qui lui a permis de se hisser à la présidence du Sénat. Mais il ne semble pas avoir la maîtrise de son jeu politique dans la présente conjoncture. Car il vient de subir deux revers qui, au bout du compte, pourraient se révéler funestes.
Certes, immédiatement parvenu à la tête du Grand Corps, il a lancé une initiative qui, dans sa jugeote, allait lui donner les principales cartes, dont il aurait besoin, pour guider son accession à la présidence, à la fin du mandat de Jovenel Moïse. Les invitations qu’il a lancées aux différents acteurs politiques et aux représentants de la société civile et des partis politiques ont buté sur des échecs. Cette fois, la classe politique a refusé de traiter avec « un magouilleur », tel qu’il est qualifié par des hommes politiques. De toute évidence, l’ « animal politique », nom qui lui est attribué dans l’arène politique, l’a, cette fois, desservi. Premier revers.
En clair, le « Grand Dialogue national », dont il a voulu être le pilote exclusif, a achoppé. D’ailleurs, son collègue de l’Ouest, le sénateur Patrice Dumond, lui a infligé un coup mortel quand dans la note qu’il lui a adressée, il lui a rappelé la tâche que le pays attendait de lui : Signifier au président Moïse l’obligation qu’il a de respecter l’échéance de son mandat constitutionnel, qui prend fin, comme la quasi-totalité des citoyens l’entend. M. Dumont a prouvé, en termes clairs, que son initiative ne bénéficiait pas de l’unanimité du Sénat bancal.
Selon toute vraisemblance, l’opposition affichée par Patrice Dumont par rapport à la stratégie du sénateur du Sud-Est semble avoir entraîné le raz-de-marée de refus auquel s’est confrontée l’invitation de Lambert. L’absence de crédibilité de ce dernier constatée, il ne lui reste qu’à annoncer le renvoi sine die de son initiative.
Le second revers qu’a connu l’animal politique s’est présenté sous forme de son attitude à l’égard de l’invitation faite à lui par son allié politique, en l’occurrence Jovenel Moïse, dont il a carrément boudé l’invitation.
Bien que Joseph Lambert hésite encore à dire le mot de la Constitution à Jovenel Moïse, ce dernier, nonobstant ses gesticulations politiques, stratégie qui vise à rassurer ses alliés politiques, il prend quand même les dispositions nécessaires pour débarrasser le Palais de ses effets personnels, peut-être avant le 7 février.
En tout cas, que Nèg Bannann nan se hâte d’indiquer ses intentions au peuple haïtien par rapport à la date fatidique qui marque la fin de son mandat, seul moyen de prévenir les mauvais moments qu’il serait susceptible de rencontrer.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur (New York) VOL. LI No. 5, édition du 4 février 2021, et se trouve en P. 1, 8 à : http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2021/02/H-O-4-fev-2021.pdf