ATTAQUE À LA BOMBE LACRYMOGÈNE DES DÉFENSEURS DES DILAPIDATEURS DU FONDS PETROCARIBE par Léo Joseph
- Une personne tuée et plusieurs blessés au Cap-Haïtien…
- Le sénateur Latortue l’a échappé belle…
Les dilapidateurs du fonds PetroCaribe ne croient plus que leurs démarches pourront provoquer le classement de l’enquête déclenchée sur la plus grande conspiration orchestrée contre les caisses publiques jamais enregistrée depuis la fondation de la République. L’attaque au gaz lacrymogène perpétrée par leurs partisans sur une conférence-débat que les sénateurs Youri Latortue et Jacques Sauveur Jean organisaient dans une salle, à Café Trio, au Cap-Haïtien, dans le nord du pays, en est une preuve. On a enregistré un mort et plusieurs blessés. Le sénateur Youri Latortue, qui était le principal orateur, l’a échappé telle, l’un des engins ayant été projeté directement sur l’estrade où il se trouvait.
Cet incident criminel a déclenché une vague de protestations de la part de plusieurs secteurs du pays, particulièrement des organisations de défense des droits de l’homme qui ont émis un communiqué conjoint pour dénoncer cet acte attribué aux individus épinglés dans les deux rapports conduites par les deux enquêtes du Sénat sur l’usage du Front PétroCaribe pilotées tour à tour par les sénateurs Youri Latortue et Évalière Beauplan. Ce communiqué était précédé d’une conférence de presse donnée par le sénateur Latortue dans l’enceinte même du Parlement au cours de laquelle ont été donnés des détails pertinents sur la manière dont cette attaque a été exécutée.
Des pistes d’enquête ouvertes
Comme suites immédiates à cette attaque crapuleuse, les pressions sont montées en flèche contre le
pouvoir pour qu’une enquête soit lancée dans l’immédiat, afin d’identifier sans tarder les personnes responsables, qui doivent être appréhendées, traduites en justice pour qu’au bout du compte elles reçoivent le juste châtiment qu’elles méritent. En attendant que les autorités judiciaires et policières se prononcent, quant à leur manière de procéder avec cette enquête, au moins deux personnes ont été identifiées comme étant ou bien à l’origine de l’attaque ou bien ayant servi de courroie de transmission du réseau responsable de cette entreprise criminelle.
D’aucuns attribuent la responsabilité du crime à des individus proches du délégué départemental du Nord, Antonio Jules. On laisse croire que le lancement du projectile aurait été effectué par deux policiers, Poincy Pierre Eddy Junior et Elau Jerry, tous deux attachés au délégué, qui auraient remis la grenade au chauffeur de ce dernier, du nom de Youmi. Selon le téléphone arabe, très actif dans cette vile, Ti-Mo et Ti-Frantz, ainsi connus, deux employés de la Police nationale, auraient contribué à faire verrouiller les portes.
Selon les témoignages de plusieurs personnes qui étaient présentes — puis confirmé par le sénateur Latortue lui-même —, deux bombes lacrymogène ont été lancées presque simultanément sur l’auditoire et la tribune où avaient pris place les deux sénateurs et le personnel qui était dédié au déroulement de l’événement.
Suite à cette attaque meurtrière et criminelle, une des personnalités bien connues de la cité capoise est morte sur place. Il s’agit de Jacques Dubois, porte-parole de l’orchestre Tropicana, qui anime aussi une émission du même orchestre. Selon des témoins, plusieurs victimes auraient été acheminées à l’hôpital où elles doivent recevoir des soins que nécessitent leurs conditions. Selon des sources dignes de foi, près d’une douzaine personnes ont été transportées à l’hôpital affectées de problèmes respiratoires; en sus d’un grand nombre d’autres ayant essuyé des blessures plus ou moins graves alors qu’elles tentaient de s’échapper dans la panique et la confusion générales .
Les portes verrouillées expressément
Les témoins ont été unanimes à dire, en sus confirmation du sénateur Latortue et d’autres personnes, qu’une fois les engins lancés sur l’assistance, les portes ont été verrouillées expressément, une tentative claire de faire en sorte que les participants se retrouvent dans l’impossibilité d’échapper aux gaz toxiques dégagés par ces bonbonnes, afin, de toute évidence, de faire beaucoup de morts possibles, tout au moins de faire le plus grand nombre de blessés.
Comme on le sait, le gaz lacrymogène est généralement utilisé par les forces de l’ordre, surtout par la police, afin de faire revenir le calme dans toute situation où la foule est devenue violente et difficile à contrôler. À cause de la toxicité du gaz émis par cet engin les autorités prennent toujours la précaution de l’utiliser seulement en plein air, un moyen de permettre à ceux qui sont exposés d’évacuer rapidement les lieux ou d’être transportés immédiatement ailleurs.
Ceux qui ont utilisé le gaz lacrymogène dans une enceinte fermée, dont les portes ont été, de surcroît, fermées avaient agi dans un sens délibérément criminel, donc sans avoir le moindre souci de la manière dont l’effet allait réagir sur le public.
Pour toutes ces raisons, les auteurs de cet acte infâme, hautement criminel, doivent recevoir le châtiment qu’ils méritent. Et les autorités ont l’obligation de mobiliser toutes les ressources nécessaires pour que ces personnes soient identifiées, arrêtées et livrées à la justice pour qu’elles subissent toute la rigueur de la loi.
Les personnes épinglées dans les Rapports du Sénat accusées
Avant même que soit menée une enquête sur cette attaque, d’aucuns dirigent l’index accusateur sur les anciens hautes personnalités gouvernementales qui étaient chargées de la gestion du fonds PetroCaribe, et qui sont accusées, dans les résultats des deux enquêtes, d’avoir orchestré une vaste conspiration pour escroquer le peuple haïtien. Selon ce qu’ont révélé ces enquêtes, les ex-hauts fonctionnaires mis en cause ont eu recours à toute une série de manœuvres pour détourner plus de USD 3 milliards $. Mais après avoir perpétré ce forfait, ces individus ont développé une stratégie pour bloquer toute action judiciaire susceptible d’être mise en branle contre eux. Aussi ne reculent-t-ils devant aucune action criminelle pour éloigner d’eux le mot du droit.
Au début, quand les secteurs démocratiques du pays commençaient à dénoncer les accusés et à crier à corps et à cri qu’ils soient traduits en justice sans complaisance, ils engageaient des relationnistes, des mercenaires de la plume et d’autres gens de ces catégories pour les défendre. Comme le mouvement anti-dilapidateur du front PetroCaribe gagnait de plus en plus de terrain et qu’en même temps les thuriféraires engagés voyaient de plus en plus de manifestants dans les rues et encore davantage de citoyens déposer des plaintes contre ces mêmes individus, ces derniers ont commencé à comprendre qu’ils se berçaient d’illusion de croire qu’ils pouvaient forcer les institutions de l’État à « classer » le dossier PetroCaribe, comme ils ne cessaient de le répéter à ceux qui voulaient les entendre.
Ayant conclu qu’ils se trompaient en croyant qu’ils pouvaient échapper à la justice, les ex-hauts fonctionnaires accusés dans l’affaire PetroCaribe ont décidé de changer de stratégie, ayant jugé qu’il serait plus avantageux d’utiliser la force. D’où l’attaque perpétrée contre la résidence de Pierre Espérance, le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits des Haïtiens (RNDDH), il y environ trois semaines. Des hommes non identifié circulant à bord d’un véhicule également non identifié, ont dirigé des rafales d’armes sur la maison. Jusqu’à date, ces agresseurs courent encore les rues. La police ne donne pas l’impression d’avoir mis beaucoup de diligence à trouver ces derniers.
Environ une semaine après l’incident survenu à la résidence de M. Espérance s’est produite l’attaque criminelle au Cap-Haïtien. La manière dont est perpétrée cette agression indique sans ambages que les auteurs de tels actes scélérats entendent faire augmenter la pression. Car ils ont fini par comprendre qu’il n’y a pas d’autres moyens de faire « classer » l’affaire PetroCaribe.
En effet, moins de quarante-huit heures après l’attaque contre Café Trio, au Cap-Haïtien, c’était
au tour de Maurice Noël, ancien officier d’état-civil de la Section Nord de Port-au-Prince, de recevoir la visite de ces bandits, dans la matinée du lundi.
Selon son témoignage rendu par son avocat, Me André Michel, M. Noël a été intercepté, non loin du Palais national, par des hommes qui se trouvaient à bord d’un véhicule Toyota Zo Kiki qui l’arrêtèrent pour lui parler en ces termes : Vous avez vingt-quatre heures pour retirer votre plainte contre Michel
Martelly, Wilson Laleau, Laurent Lamothe et consorts. Autrement, « n ap fè dlo kò w benyen kò w ».
Maurice Noël s’est joint à une cinquantaines de citoyens ayant porté plainte au parquet de Port-au-Prince contre les personnes accusées de détournement de fonds dans le résultat des deux Rapports rendus par les équipes dirigées par les sénateurs Latortue et Beauplan.
Dans la mesure où ces personnes comprennent que l’étau se resserre sur eux et que la roue de
la justice tourne inexorablement donnant chaque jour davantage d’ assurance que le procès PetroCaribe se profile à l’horizon, les actes d’agression risquent de se multiplier.
Dans de telles conditions, il importe de surveiller de près l’attitude des autorités du pays, particulièrement le président Jovenel Moïse, à l’égard ces attaques et quelles stratégies elles comptent déployer pour freiner l’action de ces criminels. Surtout que M. Moïse vient de déclarer à Lima, Pérou, que toutes les institutions du pays sont mobilisées dans la lutte contre la corruption et l’impunité. À moins que la dilapidation du fonds PetroCaribe ne constitue pas un tel crime.
cet article est publié dans l’édition du 02 mai 2018 de l’hebdomadaire Haïti Observateur et se trouve en P. 1, 2 http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2018/04/H-O-25-April-2018.pdf