Corruption, détournement de fonds et mal gouvernance, qui défend les intérêts du pays
Au fur et à mesure que des voix s’élèvent, en Haïti et à l’étranger, pour dénoncer les dilapidateurs du fonds PetroCaribe, plus s’accentuent et se précisent les révélations concernant les dérives au sein de l’administration publique. Mais davantage également s’ampli fient l’énormité de la conspiration orchestrée par les propres dirigeants du pays ayant détourné, comme cela se répète continuellement, entre USD 2 et 3 milliards $. Suivant le nouveau décret faisant obligation que toutes les transactions soient effectuées en gourdes, il s’agit bien de 128 ā 192 milliards de gourdes.
Quand on sait que nos voisins, les Dominicains, bénéficiaires du même programme financé par le Vénézuela, ont investi ces ressources dans des infrastructures durables au bénéfice du peuple dominicain, les vrais patriotes Haïtiens doivent afficher une juste indignation et appeler aux poursuites sans complaisance accompagnées de restitutions contre les leaders malhonnêtes. Face à la politique d’obstruction à la justice menée par l’Exécutif et ses alliés de tous bords, il faut se demander qui défend les intérêts du peuple haïtien ?
Définitivement, en Haïti, le résultat de l’enquête de deux commissions Éthique et Anti-corruption du Sénat sur l’usage du fonds PetroCaribe divise la nation en deux camps. D’un côté, la vaste majorité des citoyens, reconnaissant que des milliards de dollars du fonds public ont été détournés, et criant à cor et à cri que les coupables soient poursuivis et punis; de l’autre, les auteurs de ces crimes dont les gestes et stratégies consistent à mener campagne contre les objectifs de l’autre camp, et utilisant l’argent volé pour s’innocenter, se proposant d’aller jusqu’à soudoyer des intéressés dans l’appareil judiciaire toujours à l’affût d’opportunités de gagner de l’argent facile. Les personnes dénoncées dans l’affaire PetroCaribe agissent en connaissance de cause, car croyant dur comme fer que « voler l’État n’est pas voler ». Aussi ont-ils recours à toutes les pyrotechnies possibles pour faire échec à la prise en charge du dossier PetroCaribe par la justice. Dans le cadre de cette affaire, parmi les pays de l’Amérique Latine et de la Caraïbe, bénéficiaires eux aussi de la générosité du Venezuela, Haïti se détache comme l’unique État dont les dirigeants ont fait un tel abus de ces ressources. Car nos leaders ne peuvent justifier l’usage d’environ USD 3 milliards $ (192 milliards de gourdes) qui seraient investis dans des projets de développement. Sinon que des chantiers abandonnés sans que les ouvrages ne soient terminés; ou d’autres fermés par les sociétés contractantes par manque d’argent pour payer ces derniers. On en veut pour preuve les compagnies du sénateur dominicain Félix Bautista dont un des représentants a déclaré avoir arrêté les travaux et déplacé les équipements, suite à l’indifférence des responsables haïtiens par rapport aux demandes réitérées de paiement faites par ces entreprises. À souligner, en passant, que ces contrats n’avaient pas suivi les règles du jeu d’appels d’offres. On peut aussi signaler la fermeture des chantiers à l’île à Vaches où la même compagnie dominicaine du sénateur avait pour mission de développer cette île, dont le relief paradisiaque autorisait sa transformation en station balnéaire moderne, qui devait rivaliser à tous les points de vue avec celles de la République dominicaine, telles que les installations touristiques de Punta Cana, de La Romana et d’autres sites où affluent les touristes par milliers ou même davantage.
Tenant strictement compte des réalisations de la République dominicaine avec les milliards de dollars générés par les livraisons de produits pétroliers du Venezuela, autant qu’il n’y a quasiment rien à montrer en Haïti, les voisins dominicains sont fiers de montrer des réalisations similaires à celles aménagées dans les grandes métropoles du monde. Rappelons qu’il y a à peine un mois, le président dominicain, Danilo Medina, a inauguré le téléphérique de Santo Domingo, un projet qui avait été miroité au peuple haïtien, sous l’administration Martelly, et qui faisait allusion à l’installation d’un engin pareil pour relier l’arrêt touristique de croisières, à Labadie, dans le nord, à la Citadelle Laferrière. D’autre part, la première phase du projet de construction du métro de la capitale dominicaine terminée, il a été mis au service du public en janvier 2009. Tandis que la seconde phase a été inaugurée le 1er avril 2013. Au total, plus de 61 000 passagers ont utilisé ce mode de transport en 2014. Le parcours du Métro de Santo Domingo s’étend sur une distance de 27 kms.35. Présentement, les Dominicains sont en train de construire une méga plante électrique, au coût d’USD 2 milliards $, à Punta Catalina-Hatillo. Programmé pour être mis en service au début de l’année 2017, l’ouvrage est terminé à 72 %. Mais des problèmes liés au financement du projet ont forcé les autorités à renvoyer la date d‘achèvement des travaux à la fin de cette année.
Sans aucun doute, la gent au pouvoir en Haïti n’ignore pas les réalisations en matière d’infrastructures des Dominicains, au cours des dix dernières années. Nous énumérons quelques-unes : 10 tunnels et 15 viaducs, cinq universités dans différents coins du pays, en sus de 200 écoles communales, 55 lycées et 74 écoles professionnelles; 2 000 engins lourds pour l’agriculture; aussi bien que 19 places publiques ainsi que 200 centres de santé régionaux. Sans oublier l’université qu’ils ont construite à Limonade, dans le nord, à titre de cadeau à Haïti.
Du côté haïtien, à part les chantiers inachevés mentionnés plus haut, le président Moïse vient d’inaugurer deux balançoires dans deux écoles rurales, faute de mieux pour alimenter sa machine de propagande.
Signalons, en passant, qu’en République dominicaine, le président laisse aux ministres et autres fonctionnaires de catégories secondaires le privilège d’inaugurer les parcs, les centres de santé, les écoles rurales et autres ouvrages publics, réservant ses déplacements pour les grandes infrastructures nouvellement achevées.
En attendant que l’appareil judiciaire soit totalement mis en branle dans la lutte contre la corruption, en République dominicaine, les premiers procès contre des parlementaires, ministres et autres hauts fonctionnaires de l’État accusés de tels crimes sont en cours. Il y a de fortes possibilités que le mouvement contre ce fléau déclenché sérieusement dans les pays d’Amérique Latine et en République voisine s’étende avec la même ardeur en Haïti.
Mais, le grand malheur pour la nation est d’être privée de fonctionnaires intègres et sincères prêts à sacrifier leurs intérêts et ceux de leurs familles et partisans pour que justice soit rendue dans l’affaire PetroCaribe; également dans d’autres dossiers concernant le blanchiment d’argent et les détournements de fonds publics. Il faut craindre qu’avec un président sous le coup d’une inculpation pour blanchiment des avoirs, ayant des alliés au Parlement et dans le monde des affaires, y compris celui de la pègre, soupçonnés d’activités illicites, Haïti ne peut nullement compter sur ses présents leaders pour poursuivre les voleurs du fonds PetroCaribe et obtenir restitution des milliards de dollars volés. En l’absence de tels dirigeants, le peuple haïtien a pour devoir de doter le pays d’une nouvelle classe d’hommes et de femmes qui soient prêts à combattre avec la dernière rigueur la corruption et traîner devant les tribunaux toutes les personnes épinglées dans les deux rapports pilotés par les sénateurs Youri Latortue et Évalière Beauplan.
cet article se trouve en P. 10 de l’édition courante de l’hebdomadaire Haïti Observateur : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/03/H-O-21-mars-2018.pdf