DANS LE CADRE DE LA LUTTE ANTI-CORRUPTION

Le dentiste Joseph Baptiste arrêté par le FBIIl est possible qu’il aboutisse sur la même pente savonneuse que Guy Philippe.

  • [photos illustration. L’ex-président Jean-Bertrand Aristide, peut-être le meilleur ami président de Joe Baptiste. Joseph Baptiste]

Un colonel retraité de l’Armée américaine, dentiste de son état, a été arrêté en sa résidence privée, à Fulton, faubourg de Maryland, proche de la capitale américaine, le mardi 29 août, sous l’accusation de corruption, dans le cadre d’un projet de construction d’un port à Môle Saint Nicolas, dans le Nord-Ouest d’Haïti. Sa mise aux arrêts par des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) survient suite à une longue investigation sur ses activités avec de hautes personnalités des gouvernements haïtiens. C’est pourquoi des observateurs pensent qu’il y a de fortes chances qu’il entraîne la déchéance d’autres personnes se trouvant ou qui se trouvait aux plus hautes sphères du pouvoir.

Immédiatement après son arrestation, il a eu une comparution préliminaire au tribunal fédéral de Greenbelt, Maryland. Selon son avocat, Donald Laroche, contacté par Ha.ti-Obsevateur, Joseph Baptiste, communément appelé Joe, a été libéré sur parole. Il devra, dit-il, comparaître le 7 septembre 2017 au tribunal fédéral de Boston. Une autre source a révélé que le dossier de corruption relatif au cas Joseph Batiste est confié au juge M. Page Kelley, qui tiendra la première séance le 7 septembre, à 11 heures du matin.

Dans la plainte basée sur le témoignage d’un agent du FBI, M. Batiste est accusé de conspiration afin de corrompre des responsables haïtiens pour que ces derniers aident à obtenir l’aval du gouvernement pour la construction de ce port, dont le coût est estimé à USD 84 millions $.

Joe Batiste, qui pensait que l’agent du FBI avec qui il menait les négociations, en vue de l’inciter à investir dans ce projet de port, était effectivement un millionnaire qui désirait investir ses millions dans un tel projet. Aussi n’avait-il aucun doute quant aux motifs des entretiens qu’il a eus avec cet individu. L’agent en question a déclaré, dans son témoignage, qu’il suivait Baptiste depuis plusieurs années et qu’il s’est appliqué à enregistrer certaines conversations sur la base d’une entente mutuellement acceptée. Tandis que d’autres ont été suivies à l’insu de l’intéressé.

Suite au témoignage de l’agent, on peut conclure que les références aux pots de vin ont été faites à plusieurs reprises, au point que Joseph Batiste avait fini par convaincre le soi-disant investisseur (en réalité l’agent du FBI) à lui remettre une somme de USD 50 mille $ pour qu’il verse aux officiels du gouvernement qui n’entendaient rien faire pour faciliter l’octroi du contrat de construction tant que le pot de vain n’aurait été versé.

Selon l’agent du FBI, le principe du pot de vin est établi dans les conversations

Dans les différentes conversations que l’agent du FBI a eues avec M. Batiste, le principe du pot de vin entrait en ligne de compte, dans les négociations, en vue d’obtenir un contrat. Selon l’homme du FBI, à la question posée à son interlocuteur de savoir si le système « payez pour jouer » existait dans le cadre des affaires avec les dirigeants haïtiens, Joe Batiste lui a répondu : « Mets-toi en tête que c’est comme nous faisons, nous leur payons pour qu’ils fassent bien les choses; c’est comme une sorte de pourboire ». Dans les conversations, il s’est évertué à mettre l’agent en confiance en ce qui a trait aux moyens de faire aboutir le pot de vin à la personne qui serait en mesure d’aider à obtenir une décision favorable au projet de construction.

L’agent a utilisé toutes les techniques du métier pour recueillir les évidences contre Joe Baptiste, qui n’a point hésité à donner dans le panneau. Définitivement, en écoutant son interlocuteur, l’agent a fini par établir que Batiste a tout fait pour le convaincre que c’était la manière de faire les affaires avec les dirigeants haïtiens.

À titre d’exemple de son influence, Joe Baptiste a indiqué à l’agent qu’il a mené avec succès deux projets antérieurs, qui s’étaient soldés par l’approbation des contrats. Pour le premier, dit-il, il s’agissait d’ « une compagnie de télécommunications » dans lequel il avait un intérêt personnel.

Le projet avait abouti à sa satisfaction. De plus, il affirme avoir utilisé sa fondation à buts non lucratifs basée à Maryland pour faciliter le transfert des fonds en vue d’esquiver la surveillance des autorités américaines. Aussi, fait-il savoir à l’agent, il peut utiliser sa propre entreprise pour faire aboutir l’argent à destination.

L’agent dit avoir conclu que les explications que lui a données Baptiste avaient pour objectif de lui prouver qu’il avait réussi, dans le passé, à verser des pots de vin aux autorités haïtiennes sans être découvert.

Impliqué dans les affaires avec des officiels depuis sous Aristide

L’implication de Joe Batiste dans les affaires avec les autorités haïtiennes remontent à l’époque où Jean-Bertrand Aristide étaient en exil à Washington. Il a fondé sa fondation au début des années 92, probablement en 1994. Il semble que NOAH (National Association for the Advancement of Haiti) ait commencé à fonctionner à cette époque, surtout quand Aristide se préparait à retourner au pays derrière les tanks américains.

À cette époque, Joe Baptiste se lançait dans une campagne tous azimuts pour faciliter le retour du prêtre défroqué en Haïti, organisant des fêtes de levée de fonds, un peu partout aux États-Unis, dans le monde religieux, notamment dans des synagogues juifs, des églises protestantes et catholiques. Ainsi qu’une soirée monstre au Waldorf Astoria Hôtel, à New York. Aussi parvenait-il à s’insinuer dans les vues d’Aristide et à jouer une influence certaine auprès des hauts fonctionnaires proches d’Aristide.

Dans ses conversations avec l’agent du FBI, Joe Baptiste n’a pas identifié la compagnie de télécommunications dont l’implantation il avait réussi à négocier avec les autorités haïtiennes. On sait, par contre, qu’une compagnie de téléphone cellulaire avait été établie en Haïti dans laquelle les Clinton avaient un certain intérêt. Au fait, c’est suite à l’arrivée de Voilà en Haïti qu’ont commencé les déboires de la Haitel de Franck Ciné. On ne peut affirmer que cette compagnie serait liée à Joe Batiste, mais il y a une coïncidence étrange entre l’installation de cette société en Haïti et le démantèlement de la compagnie de Ciné par Préval.

En contact avec plusieurs générations de dirigeants haïtiens

Le témoignage de l’agent du FBI fait croire que Batiste a eu des relations avec des dirigeants au plus haut niveau de l’État au sein de plusieurs gouvernements, donc avec plusieurs générations de dirigeants. Selon toute vraisemblance, il a fait ses premières armes avec le régime Aristide. Ayant

connu les rouages du pouvoir, il a pu, sans doute, recycler ses atouts politiques dans l’administration Préval, puis Aristide bis et Préval bis pour arriver à Michel Martelly.

Il y a fort à parier que Joe Batiste jouissait d’une grande influence auprès d’Aristide, Préval et Martelly. Aussi, y-a-t-il de grandes possibilités que parmi les conversations que Batiste a eues avec l’agent du FBI, certains hauts placés de ces gouvernements parlaient pots de vin avec lui pendant que ce dernier écoutait la conversation. C’est pourquoi, quand des observateurs posent l’hypothèse que certains dirigeants haïtiens doivent se faire du souci par rapport à ce qu’ils pouvaient avoir discuté avec le dentiste, il s’agit d’une affaire sérieuse. Surtout quand, dans ses conversations avec lui, l’agent fait allusion à des hauts placés du gouvernement haïtien conversant au téléphone avec Baptiste.

De toute évidence, il y a des hauts placés de plusieurs administrations. On ne devrait pas prendre à la légère l’information attribuée à l’agent du FBI selon laquelle un des hauts placés auquel il fait allusion dans son témoignage serait un ex-Premier ministre de Michel Martelly, en l’occurrence Laurent Lamothe. En privé, ce dernier réfute cette allégation en arguant qu’il avait déjà « démissionné » du gouvernement Martelly. Toute fois, on se rappelle qu’il avait été obligé de renoncer à son poste de Premier ministre, seulement quelques semaines avant les fêtes de fin d’année. Alors que Joe Baptiste faisait l’objet de l’enquête du FBI même avant la prestation de serment de Michel Martelly.

À la lumière des faits rapportés dans le témoignage de l’agent du FBI, montrant comment celui-ci s’ingéniait à bien ficeler le dossier, tout semble indiquer que Joe Baptiste se retrouverait sur la même pente savonneuse que Guy Philippe. Cela signifie qu’en dépit de l’optimisme que Baptiste a affiché au prime abord, il finirait par appréhender la réalité et à comprendre qu’il serait à son avantage de faire des « aveux », histoire de dénoncer des individus hauts placés, dans l’espoir de minimiser sa peine.


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