Sean Penn, de vedette internationale reconnue à un vrai comédien Par Garaudy Laguerre

Sean Penn, de vedette internationale reconnue à un vrai comédien

  • Par Garaudy Laguerre. – 14 juin 2021.

Sean Penn vient de passer de vedette internationalement reconnue à  un vrai comédien. Pas seulement parce qu’il a accepté de faire le sale boulot de préfacer le livre de Laurent Lamothe, dont personne ne connaît encore le contenu, mais surtout, parce que comme tout bon comédien, il veut, ne fut-ce que pour un instant, nous faire oublier la réalité désastreuse de gabegie et de détournements de fonds, qui a caractérisé le gouvernement Lamothe-Martely et leurs méfaits à l’encontre des intérêts de la Nation haïtienne et de sa population. Lamothe de son côté, ayant atteint un minimum de compréhension politique, bien qu’encore élémentaire, s’est rendu compte que nul autre qu’une vedette, un blanc (on reviendra là-dessus), de réputation internationale pourrait avoir la prétention et l’arrogance de neutraliser le traumatisme collectif qu’a enduré la Nation durant son passage au pouvoir; ti manman chérie, gouvernement lakay, 25 stades de foot imaginaires, $1.50 imposé sur les transferts de la diaspora, pour être ensuite volatilisé, pour ne citer que cela, pour réaliser plus tard que tout n’était qu’arnaque, justifiant des détournements de fonds colossaux durant le passage de Laurent et sa gang au pouvoir, appuyé par les Clinton.

Bien sûr, Penn faisait partie d’un clan qui, avec l’aide des Clinton et de l’ambassade américaine, a facilité l’implantation des toutes premières pierres de sa fondation en Haïti, la JP HRO. En fait, le tremblement de terre de 2010 a été une opportunité et une plateforme de lancement pour Penn, qui sous couvert d’aide à une Nation pauvre et en détresse, a lancé une campagne internationale pour sa fondation qui était jusqu’alors inconnue.

À un certain moment, Penn s’était même comporté en proconsul, intimant des ordres à des officiels Américains qui le trouvaient arrogant et inculte. Mais, la facilité avec laquelle il a pu obtenir les terrains du Pétion-ville club et certains autres avantages, pourtant revendiqués par certains acteurs locaux lui signifiaient clairement qu’il était en pays conquis.

Préval, débonnaire de son état, a vu en Penn un allié réconfortant, une alliance porteuse,  juste par la présence de ce dernier sur le terrain en Haïti, particulièrement après la piètre prestation de son gouvernement lors des secousses du 12 janvier 2010. C’était une alliance dont les retombées pour Penn étaient claires, mais, pour la population? Le bilan tarde encore à être connu.

Avec l’arrivée de Martelly au pouvoir, rien ne changera, bien au contraire. Bill Clinton ayant donné le ton et le mot d’ordre à tous les alliés et intérêts américains pour que ce gouvernement soit reconnu comme le leur. Penn a de ce fait, rapidement accueilli les avances d’amitié avec les bandits légaux de PHTK, particulièrement avec Lamothe. D’où la saga future de Petra Nymkova.

Mais ici, il ne s’agit pas de dénoncer les manigances privées de ces messieurs, il s’agit plutôt d’exposer ce narratif qui tente de faire passer tous les Haïtiens pour des dupes et des naïfs. On nous félicite d’être un peuple courageux et d’avoir un beau pays, pour mieux nous insulter. De faire passer un monsieur qui a son nom dans tous les rapports de la Cour Supérieure des Comptes, comme celui qui a remis Haïti debout, est le comble de l’audace.

Penn a peut-être commencé son initiative avec de bonnes intentions. Cependant, il est devenu clair que, comme toute ONG dans son genre, Penn s’est senti ‘réconforté’ par la pauvreté en Haïti, qui justifiait son altruisme.  Sinon, comment expliquer la promotion qu’il fait d’un homme sous la gouverne duquel, des milliards de dollars ont disparu et dont le nom figure encore en grande manchette dans les rapports de la Cour Supérieure des Comptes du pays? Il est donc clair, alors que  Penn, a l’instar de la mère Teresa, comme le disait un auteur, n’était pas l’ami des pauvres, mais plutôt celui de la pauvreté, car le passage de Lamothe au pouvoir n’a fait qu’amplifier l’état de précarité des masses haïtiennes.

N’est-ce pas là une insulte de Sean Penn, qui savait pertinemment dans quelle condition Laurent Lamothe, qui ne répondait pas aux exigences du poste de Premier ministre a pourtant été nommé ?  Le choix et la confirmation de Laurent Lamothe au poste de premier ministre a été le summum de la corruption au sein de l’État et du pouvoir législatif.

Penn du haut de son arrogance et de sa bêtise, a décrit ce qu’il qualifie de cancer de la corruption en Haïti à trois niveaux : dans le milieu politique,  dans celui des affaires et dans les masses populaires. Il ne ménage pas ses insultes en nous apprenant que nous avons une population corrompue. Les seuls non corrompus en Haïti, selon Penn sont : son ami Laurent Lamothe, les Clinton et la communauté internationale.

Il a été rapporté que Sean Penn lui-même, pour décrire à ses amis le niveau de corruption en Haïti racontait: “Laurent, tu as dû payer beaucoup pour gagner cette élection au parlement, car tout le monde sait que tu n’es ni éligible, ni qualifié?” Laurent aurait alors répondu qu’il n’aurait pas eu suffisamment d’argent pour acheter tous ces messieurs et que la plupart d’entre eux n’avaient besoin que de visas américains en faveur de leurs femmes et maîtresses, pour aller faire du shopping à Miami. Il n’avait donc fait, que les accommoder.

C’est ce même Laurent que Penn nous présente aujourd’hui comme le prince de la bonne volonté et le roi du travail… Personnellement, je ne connais pas Penn assez pour confirmer qu’il serait inculte. Nous avons des amis communs, mais je n’ai échangé avec lui qu’une seule fois. On pourrait cependant être légitimement étonné qu’après avoir vécu en Haïti et s’être intéressé au peuple haïtien, il ne soit pas au courant du scandale Petro Caribe.

Penn doit savoir que nous pouvons peut-être oublier ce qu’on nous a raconté, mais, pas ce qu’on a vécu !

À vouloir faire passer Haïti pour un pays de désespoir qui ne pourrait survivre que par la grâce de l’étranger et par ce que l’étranger croit être bon pour nous, n’est pas seulement une insulte, mais, une condamnation, si nous ne le dénonçons pas en temps réel. En effet, plus de vingt ans après la prédiction diffusée à outrance de notre ‘somalisation’, regardons où nous en sommes aujourd’hui.

Sean Penn voudrait nous présenter comme honnête, celui qui est réputé, même par ses camarades du pouvoir, d’avoir le plus bénéficié des fonds dilapidés de Petro Caribe. Et si Sean Pen consultait Google au moins, il se douterait de ce que Laurent faisait en Afrique dans le secteur de la communication.

Il faut néanmoins reconnaître, le récit du rôle d’intermédiaire qu’a joué Sean Penn entre Lamothe et Préval. Cela pourrait nous être une grande leçon pédagogique et révéler à quel point nous sommes infantilement déchirés entre nous, et comment nous ne jurons que par les blancs. J’ai fait la même expérience en 1999,  lorsque j’ai passé deux mois à essayer d’avoir un rendez-vous avec Jean Bertrand Aristide. J’avais parlé avec son chef de cabinet, sa secrétaire privée, son chef de Protocole et de sécurité. Mais, lui, il n’était jamais disponible. Il me fuyait, pour des raisons qui ne sont pas nécessaires de mentionner ici. En Juin, 1999, l’ex-président du Costa-Rica, Oscar Arias, menant sa campagne contre les armes légère, lors de son passage en Haïti, est venu prendre le petit déjeuner avec moi, à 8:30, à mon bureau à Pétion-Ville. Nous avons discuté de la crise haïtienne. Il m’a fait part de sa perspective, et qu’il pensait qu’Aristide devrait trouver une formule pour neutraliser l’opposition et que si cette dernière réclamait trois postes ministériels, qu’il fallait leur en concéder quatre, pour prouver sa bonne foi, vu  la somme d’ennemis, internes et externes qu’il accumulait déjà. Lorsqu’il m’a demandé ce qu’était ma perspective sur les prochaines élections, je lui ai fait part de mon opinion et ai conclu, qu’il n’y avait pas de doute qu’Aristide était le plus populaire et qu’à coup sûr gagnerait les prochaines élections, mais que malgré tout, en raison de son attitude politique par rapport à la conjoncture qui prévalait, il ne serait pas en mesure de garder le pouvoir. Comme, souvent, on peut avoir raison et perdre.  Lorsqu’il m’a demandé si j’avais partagé mon analyse avec Aristide, je lui ai dit que j’essayais d’entrer en contact avec lui depuis au moins deux mois. Devant le rencontrer à Tabarre à 10:45, il m’a demandé l’autorisation de lui en faire part. Moins de deux heures plus tard,  je recevais un appel personnel d’Aristide m’invitant à son bureau le jour même.

C’était un des jours, les plus décevants des dix années que j’ai passé à diriger l’ISPOS. Oscar Arias était un homme bien, courtois et cultivé, mais pourquoi avait-il fallu son intervention pour que je rencontre Aristide ?

Voila ce qui donne un pouvoir non mérité aux étrangers, particulièrement aux blancs. Ce qui nous rend serviles, de manière volontaire et inconsciente à la fois.

De qui Sean Penn tient-il cet héritage ou cette autorité de faciliter la rencontre entre un ex-président et un premier ministre en fonction, d’un même pays et qui n’est pas en guerre ?

En lisant les extraits de sa préface, on voit bien que son autorité ne tient ni de ses capacités littéraires, ni de ce qu’il aurait accompli en Haïti, ni de la performance de son ONG ou du premier ministre, mais plutôt du fait qu’il soit une autorité blanche internationale, ayant aidé un premier ministre haïtien qu’il avait recruté dans son équipe. Ce sont ce genre d’incongruités qui paraissent bénins, mais qui, si nous n’y prenons garde, nous immobilisent et nous portent inconsciemment vers la logique que si l’étranger le dit, c’est que c’est vrai.

Alors,  que toute personne informée sache que, par ignorance ou par dessein,  Sean Penn, bien que oui, il soit blanc, se trompe au mieux ou ment tout simplement.

J’apprécie certains des films de Sean Penn. Tout comme Michael Douglas et tant d'autres, il sort d’une famille qui était déjà dans le business. Il va sans dire qu’il allait devenir une star, et moi je l’ai su dès son apparition dans “The Falcon and the Snowman, avec Tim Hutton.” Tout comme le personnage Daulton Lee qu’il a incarné dans le film est erratique et vend une marchandise illégale, pour laquelle, ne couvrant pas ses arrières, il a été arrêté et incarcéré; en vendant Lamothe, il n’a pas su non plus couvrir ses arrières. Alors, nous devons le freiner.

  • Garaudy Laguerre.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 24 New York, édition du 16 juin 2021, et se trouve en P.3, 13 à :