CORRUPTION, SURFACTURATION ET PILLAGE DE LA CAISSE PUBLIQUE
- Instrumentalisation de la justice par l’équipe Moïse-Jouthe par Léo Joseph
Si, jusqu’à preuve du contraire, Joseph Jouthe n’a joué aucun rôle dans la dilapidation du Fonds PetroCaribe, en s’associant aux derniers actes posés par le gouvernement qu’il dirige, devient partie prenante des crimes reprochés à Jovenel Moïse et à ses alliés politiques. Les dernières actions judiciaires lancées par le pouvoir, au nom de la campagne contre la surfacturation, implique indubitablement aussi la corruption et le pillage de la caisse publique dont est accusée également la première famille du pays. Dans une tentative mort-née d’éloigner l’attention du public des nombreux scandales et crises à rebondissement qui secouent son régime, Nèg Ban nann nan a recours à la justice vassalisée pour persécuter ceux qu’il assimile à ses ennemis politiques, tandis qu’il protège ses alliés et amis qui trempent jusqu’au coup dans des transactions mafieuses.
En effet, un président élu qui a prêté serment sous le coup d’une inculpation pour blanchiment d’argent, laquelle accusation pèse encore sur lui, en attendant qu’une décision de justice le blanchisse ou le condamne, se croit autorisé à instrumentaliser le système judiciaire pour persécuter ses ennemis politiques. Dans ce contexte, Jovenel Moïse entend attirer l’attention sur la paille qui se trouve dans l’œil des autres oubliant la poutre qui trône dans le sien. Les actions judiciaires qu’il a lancées, au nom de l’État haïtien, contre la société SOGENER, en sus de la convocation du sénateur Youri Latortue pour être auditionné, dans une affaire de prêt de l’Office national d’assurance vieillesse, s’inscrivent dans cette tendance.
Protégés par le régime Moïse-Jouthe, des candidats à la prison courent encore
Il est tout à fait bizarre de voir des individus et compagnies privées impliqués dans des activités criminelles se pavaner dans les rues de Port-au-Prince, sous la protection de la présidence, tandis que d’autres mis en cause pour des peccadilles font l’objet de poursuites ou tentatives de poursuites judiciaires agressives incitées par le régime en place. Cela est d’autant plus étonnant que les entités bénéficiant de la protection de Palais national soient logées à la même enseigne que le président de la République, par rapport aux infractions qui leur sont imputées. Autrement dit, qui se ressemble s’as semble. Rien d’étonnant que tous les hommes et femmes qui ont trempé dans des affaires louches s’agglutinent sur Jovenel Moïse.
Commençons avec la crise du courant électrique qui a affecté quasiment la totalité des consommateurs, à la capitale. Les dernières informations disponibles ont révélé que les enquêtes menées sur l’origine du black-out mettent en cause le carburant frelaté qui a été utilisé dans les machine ayant mis en panne les turbines.
Il arrive que la compagnie fournisseuse du combustible contaminé, la «Preble-Rich Haïti S.A. », propriété des deux beaux-frères de Michel Martelly, Kiko Saint-Rémy, frère de Sophia Saint-Rémy-Martelly, et Gesner Champagne, dit TiGès, le mari de Claudya Saint-Rémy, la sœur cadette de l’épouse de l’ex-président-musicien. Parmi les actionnaires (sans investissement de capital) figurent le couple présidentiel, Jovenel et Martine Joseph-Moise.
De surcroît, sous la houlette de Nèg Bannann nan, cette compagnie n’est même pas requise de payer la facture pour la réparation des turbines mises en pan ne par ce carburant falsifié. Les informations disponibles indiquent que le gouvernement en a payé pour le travail de réparation des moteurs.
Dans de telles conditions, aucune poursuite judiciaire ne sera tentée contre Preble-Riche Haiti S.A.
D’autre part, la crise d’essence qui paralyse le pays est imputable à cette même compagnie bénéficiant du contrat d’importation de produits pétroliers, sans aucune compétence à ce niveau, mais qui est sortie gagnante de l’appel d’offre orchestré par le Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement (BMPAD) en vertu d’une magouille concoctée par Jovenel Moïse et son équipe.
On semble ne pas se rendre compte que la déclaration des crises de produits pétroliers à rebondissements que connaît le pays coïncide avec la Preble-Riche S.A. aux commandes du processus d’importation des essences. N’est-ce pas le cas de dire que la famille présidentielle et ses partenaires en affaires et en politique ont le beurre et l’argent du beurre ? Autrefois, quand le groupe Biggio avait l’autorisation d’assurer ce service, le pays n’avait ja mais fait l’expérience de telles crises. Assurément, si cet te compagnie avait pour dirigeant des ennemis politiques de Jovenel Moïse, elle serait tombée sous le coup de procès lancés par le régime Tèt Kale.
Corruption, détournements de fonds publics, surfacturation, les auteurs sont tous protégés par Moïse
La protection offerte par Jovenel Moïse à la société des beaux-frères de Michel Martelly constitue une attraction politico-sociale à laquelle s’ajoutent une multitude d’autres cas de même nature. Au sein de l’administration publique, ils sont légions les hommes et femmes dénoncés pour activités illicites, notamment la corruption, les détournements de fonds public, la surfacturation qui caractérisent les contrats et transactions avec le gouvernement ou encore dans le cadre de la gestion de affaires du peuple.
À tout seigneur, tout honneur ! Dans ces catégories, Jovenel Moïse emporte la palme. En sus du fait que son nom soit cité plus de soixante fois dans le résultat de l’enquête de la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/ CA) sur la dilapidation du Fonds PetroCaribe, son nom est lié à d’autres scandales. Citons, par exemple, le cas du «prêt» de USD 11 millions $ octroyés à Avis Rent-A-Car. Enquête menée, il s’est révélé que le chef de l’État, qui devait cette somme qu’il avait obtenu sous forme d’emprunt, avait autorisé le directeur général de l’ONA à débloquer cette valeur en faveur du propriétaire de la compagnie de location de véhicules. Dans la foulée, on a appris que de ces USD 11 millions $, le bénéficiaire avait versé USD 3 millions à M. Moïse. Sous quelle rubrique criminelle doit-on mettre cette transaction ?
Sans nul doute, la justice haïtienne a rendez-vous avec Jovenel Moïse, quand il sera dépouillé de l’immunité présidentielle, bouclier qui le protège présentement contre tout procès criminel. À part d’autres abus mentionnés, il faut se rappeler les millions qu’il s’est approprié, dans le cadre de la mise en branle de sa «Caravane du changement», stratégie qu’il avait mise en place pour escroquer le peuple haïtien. Grâce à sa politique consistant à découvrir Pierre pour habiller Paul, il a détourné des dizaines de millions alloués dans le Budget aux ministères et secrétaireries d’État au profit de cette initiative qui n’était pas prévue dans celui-ci. Cela résulte en une dette immense du gouvernement à l’égard des employés de l’État, notamment des policiers, des enseignants ainsi que de nombreux contractuels des ministères et d’autres institutions du pays.
Sous la rubrique de la corruption, détournement de fonds publics et de blanchiment des avoirs peut s’ajouter la transaction à la faveur de la quelle la première dame, sans aucune qualité légale, a participé à la signature du contrat Dermalog, la compagnie allemande bénéficiaire du contrat de fabrication de la Carte d’identité nationale, a versé une commission à Martine Joseph Moïse, dont le montant n’a jamais été divulgué. Dans le cadre de cette démarche, celle-ci avait accompagnée l’équipe généralement autorisée à participer à de telles négociations. De toute évidence, aucune action en justice ne peut être tentée contre elle avec son mari au pouvoir.
Sénateurs et députés sous le parapluie de Jovenel Moïse Dans le même contexte, des parlementaires qui devaient se retrouver aux prises avec la justice, sont à l’ombre du parapluie offert par l’actuel occupant du Palais national. Appelés à voter les lois du pays, les sénateurs et députés, qui se comptent parmi les alliés du Palais national, les violent allègrement. Parmi ces derniers, on peut citer, par exemple, le sénateur du Sud Hervé Fourcand, réputé pour son implication dans des transactions liées au trafic de drogue. Il est peut-être l’unique parlementaire haïtien possédant un avion privé.
Dans le même ordre d’idées, l’ex député Rony Célestin, dont la concubine, Judith Exavier, alors consule générale d’Haïti à Santiago, République dominicaine (grâce à l’influence de son concubin le sénateur), était mise temporairement aux arrêts par la Police frontalière dominicaine. Des rumeurs persistantes font d’elle un des «courriers» de ce parlementaire qui a pu construire des complexes résidentiels, à Port-au-Prince, alors qu’il possède, dit-on, plusieurs maisons en République dominicaine. Le salaire du député Célestin ne saurait supporter le financement de plusieurs immeubles en construction en même temps. Sans aucun doute, si ce parlementaire faisait partie de l’opposition, il serait indiqué par le Palais national pour enquête de la part de l’Unité de lutte contre la corruption (UL CC). N’est-il pas raisonnable de dire, encore ici, que la justice aura du pain sur la planche, en temps et lieu ?
Les alliés parlementaires du chef d’État haïtien se signalent à d’autres activités criminelles. C’est le cas du sénateur Kedler Augustin, un autre parlementaire proche de M. Moïse, dont la secrétaire l’a accusé d’avoir détourné des chèques du personnel attaché à son bureau. Auparavant, le jeudi 12 mars 2020, dans l’après-midi, son véhicule, dans lequel il se trouvait, en compagnie d’un homme qu’on prétendait être son intendant, a été intercepté par une patrouille de la Police. Celle-ci l’avait identifié comme étant une voiture impliquée dans plusieurs kidnappings. Un peu malmené par les policiers, parce qu’il ne voulait pas s’identifier, avant d’être conduit au commissariat de Police de Delmas 33 le sénateur dévoyé déclarait qu’il allait se prévaloir de ses droits. Mais cette affaire n’a pas eu de suite, sinon que le commandant du commissariat en question a été révoqué sans autre forme de procès pour avoir manqué d’égard à un sénateur de la République.
Un autre allié politique de Jovenel Moïse, l’ex-député de Delmas, Gary Bodeau, a fait dans le détournement des fonds de cette institution, alors qu’il était président de la Chambre basse. Des millions de gourdes ont été versées à des entreprises dont les propriétaires avaient financé sa campagne électorale. De toute évidence, il s’agissait d’une stratégie pour compenser ses bailleurs de fonds. Mais là où le bât blesse, les sommes versées à ces restaurants représentaient dix à vingt fois le coût de l’eau, du café et des repas livrés à la Chambre basse par ces entreprises.
Parmi d’autres parlementaires dénoncés à la criée publique, il faut signaler le sénateur Onondieu Louis, qui représentait le département du Nord-Ouest, accusé de détournements des fonds du Grand Corps quand il était questeur. À cette fin, il avait mon té une équipe composée d’employés du Sénat et d’alliés évoluant hors de cette institution.
La liste serait interminable, s’il fallait énumérer tous les coquins liés au gouvernement dirigé par Jovenel Moïse. Comme on dit, dans notre savoureux vernaculaire, «Kouto pa grate manch li» (Le couteau ne peut s’auto-nettoyer). Si le régime Tèt Kale s’applique à se protéger ainsi que ses alliés contre des poursuites légitimes, il faut attendre que soit rétablie l’ère d’une vraie la justice indépendante et le retour à la démocratie authentique pour demander des comptes à Jovenel Moïse et toute cette camarilla papillonnant autour de lui.
À la lumière de tous ces faits, il ne faut pas passer sous silence le fait que tous ces parlementaires ayant trempé dans des affaires louches s’acoquinent avec Jovenel Moïse et que lui, à son tour, se sent bien dans sa peau avec eux jusqu’à en faire des pairs en compagnon. Définitivement, il y a en Jovenel Moïse certaines caractéristiques qui l’attirent vers ces catégories d’individus, et réciproquement !
L’instrumentalisation de la justice par l’équipe Moïse-Jouthe ne mènera nulle part. Elle ne saurait avoir raison de la justice qui réclamera indubitablement ses droits, à la faveur de l’éjection de Nèg Ban nann nan du Palais national. Qu’il apprenne, dès maintenant, que son projet de s’expatrier loin d’Haïti ne constituera pas une garantie d’impunité. L.J.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, New York VOL. L, No. 31 12 août 2020, et se trouve en P.1, 9 à : http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2020/08/H-O-12-aout-2020.pdf