L’AFFAIRE « BATEAU SUCRÉ » RELANCÉE PAR MIAMI HERALD
- La PNH risque d’être frappée par un tsunami…
- Les services américains prennent charge de l’enquête
L’affaire « Bateau sucré », autrement connue sous le nom « Bateau Acra », qui se trouvait dans
les limbes, suite à l’inaction, sinon à la nonchalance du système judiciaire haïtien, aurait reçu de nouvelles impulsions constatées suite à un article fleuve du quotidien floridien, The Miami Herald. Non seulement cet organe de presse fait état de nouvelles enquêtes en cours, en Haïti et aux États-Unis, il agite le spectre d‘autres actions dont seraient l’objet les acteurs. Mais, dans le cadre de ces nouvelles initiatives, de hautes personnalités de la Police nationale d’Haïti sont l’objet d’une enquête séparée liée à ce même dossier.
En effet, dans l’article intitulé « How the DEA let one of Haiti’s biggest drug busts slip through its fingers » (« Comment la DEA a laissé une des plus grosses saisies de drogue d’Haïti glisser entre ses doigts ») publié dans l’édition du 17 août 2018, conjointement par Jacqueline Charles et Jay Weaver, sont rapportés la plupart des faits publiés par Haïti-Observateur, au cours des quatre dernières années. Les révélations spectaculaires faites par H-O depuis son premier article publié dès l’arrivée du Manzanares, bateau battant pavillon panaméen, au Terminal Varreux, à Chancerelles, le 5 avril 2015, suivi d’autres
au cours des années suivantes, sont reprises par Miami Herald.
Selon ce journal, le chargement de sucre, soit quelque 600 tonnes à l’intérieur desquelles se trouvaient dissimulés « 800 kilos de cocaïne et 300 kilos d’héroïne», dit le journal, présentait une situation idéale pour permettre aux agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) et leurs collègues haïtiens de la Brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS) d’opérer une saisie idéale. Mais cette opération
a tourné court, les agents de la Brigade fédérale anti-drogue déployés sur le terrain, en Haïti, s’étant laissé corrompre afin de se taire sur les activités de déchargement du bateau. Une opération déjà en cours plus de vingt-quatre avant que les hommes de la DEA et ceux de la BLTS firent leur apparition au wharf, permettant à ceux qui avaient commandé la marchandise interdite d’en faire disparaître, comme on dit, autanten apporte le vent.
Aucune idée de la quantité de drogue qu’il y avait à bord
Dans la mesure où le chargement de cocaïne/héroïne ayant mobilisé les dockers du Terminal Varreux dans une activité fébrile afin de vider au maximum la cale du Manzanares, avant l’arrivée des forces de l’ordre, avait attiré des automobilistes venus faire le plein, personne ne peut déterminer la quantité de stupéfiants qui se trouvait à bord. Cela veut dire que les faits ne supportent pas le poids de la cocaïne et de l’héroïne indiqué par The Miami Herald. Puisque les gens qui se livraient au déchargement clandestin du bateau avaient tout le temps nécessaire d’effectuer plusieurs voyages et de transporter « leurs butins » en lieux sûrs. À moins que les agents de la DEA, accompagnés et encadrés de leurs collaborateurs de la BLTS, soient restés délibérément loin du port afin de ne pas contrarier les opérations en cours.
C’est précisément ce qu’a révélé The Miami Herald indiquant que le dossier du « Bateau sucré », qui traîne dans le système judiciaire haïtien depuis déjà quatre ans, vient d’être relancé de manière spectaculaire grâce aux dénonciations faites par d’autres agents de la DEA se sentant gravement outragés par la conduite de leurs supérieurs se faisant arroser de pot-de-vin en retour de leur silence par rapport aux activités liées au débarquement de drogues en Haïti.
L’article du journal floridien dénonce ce qui a l’allure d’un véritable écheveau de trafiquants mettant ensemble leurs ressources, afin de mener à bien leurs opérations.Cela suppose l’utilisation de tous les moyens nécessaires pour acheter le silence des agents américains de la DEA. C’est pourquoi, dit Miami Herald, les agents de la BLTS, qui avaient confisqué la cargaison de drogue restant encore dissimulée
à l’intérieur des murs du bateau, avaient recueilli une quantité minime qui devait servir de « corps du délit » pour satisfaire aux exigences de toute procédure légale susceptible d’être engagée.
On n’a pas fait mention, dans le traitement du dossier du « Bateau sucré », que la société NABATCO, qui avait fait la commande des 600 tonnes de sucre pour le groupe Acra, avait reçu l’autorisation de décharger, puis de transporter aux dépôts de la compagnie le principal chargement que transportait le Manzanaras, et qui faisait pourtant partie du corps du délit. Ici encore, dans le traitement de ce dossier, personne n’a pris le temps de demander à savoir dans quelles circonstances a été prise la décision ou
bien passée l’ordonnance en vertu de laquelle la firme des Acra avait pu prendre possession de leur
marchandise.
Un débarquement effectué par personnes interposées
L’enquête menée par les auteurs de l’article du Miami Herald leur a permis de savoir qu’immédiatement après que les dockers eurent commencé l’opération de débarquement du bateau, plusieurs véhicules arrivaient au port dans le but de ramasser la cocaïne et l’héroïne. Interrogés par le journal, les dénonciateurs ont déclaré avoir observé des véhicules faisant le va-et-vient ayant au volant des officiers de police et d’autres personnes non identifiées. Le journal n’a pas précisé si le débarquement s’effectuait par personnes interposées.
En tout cas, des gens qui traînent la patte aux abords du Terminal Varreux laissaient croire que les personnes observées en train de sortir les paquets de drogue du port n’étaient pas nécessairement les propriétaires de la marchandise défendue. Mais plutôt des individus embauchés pour faire ce travail. Cela a permis qu’une importante quantité des stupéfiants que transportait le Manzanaras ait pu être transportée à des dépôts situés dans la périphérie de Port-au-Prince.
À observer le nombre de véhicules qui faisaient la navette entre Terminal Varreux et les lieux où avait été transportée cette partie de la cargaison de drogue récupérée, il y fort à parier que le poids de la cocaïne/héroïne embarquée était de loin supérieur aux portions retirées clandestinement. Quand on apprend que plus de 5 000 kilos de cocaïne et d’héroïne avaient été embarqué à bord du bateau au point d’embarcation de Buenaventura, en Colombie, on peut conclure que le montant rapporté au Miami Herald est délibérément exprimé à la baisse afin de minimiser l’offense dont sont coupables les agents qui ont été chargés de la mission d’intercepter le Manzanaras. Surtout que l’enquête ayant déterminé la
quantité de cocaïne et d’héroïne révélée par le journal a été menée par les mêmes agents (DEA et BLTS) accusés d’avoir bâclé l’opération.
L’artillerie lourde est déployée
Les témoignages présentés dans les hautes sphères des pouvoirs judiciaires américains ont fait belles impressions sur les décideurs, qui ont déployé l’artillerie lourde, dans le cadre d’une double enquête lancée par le Département de la Justice et le bureau du procureur fédéral de Miami.
Miami Hérald rapporte que l’avocat d’une organisation préposée à la gestion des cas relatifs au problème des dénonciateurs gouvernementaux est d’accord que les préoccupations soulevées par ces derniers constituent un cas sérieux d’abus de confiance, qui exige qu’une enquête soit ouverte en vue d’une action décisive.
Auparavant, le Comité de la Chambre basse sur la surveillance et la réforme administrative avait
également demandé que soit lancée une enquête du Département de la Justice sur les activités du
Bureau de la DEA en Haïti, notamment sur les faits ayant contribué à l’échec de l’opération du Manzanaras.
De son côté, dit Miami Herald, le sénateur de la Floride, Marc Rubio, vice-président du Sous-Comité du Sénat su les Affaires étrangères, s’est déclaré « inquiet » du fait qu’une « quantité substantielle » de cocaïne à destination de la Floride transite par Haïti avec impunité quand les trafiquants d’Amérique du Sud cherchent d’autres itinéraires au-delà d’Amérique centrale et le Mexique.
Un tsunami risque de frapper la hiérarchie de la PNH
On ne devrait pas s’étonner d’entendre que le futur de la hiérarchique de la PNH sous sa présente forme soit en péril. Car les événements qui s’apprêtent à se déclencher ont le potentiel d’emporter plusieurs hauts gradés. Même le directeur général ne se- rait pas à l’abri. Selon toute vraisemblance, Jovenel Moïse, qui cherche, depuis peu de temps après sa prestation de serment, à se débarrasser de Michel-Ange Gédéon, serait sur le point de lancer une nouvelle offensive en ce sens. À moins que des raisons occultes fassent que les chances s’accumulent en sa faveur.
En effet, les dernières ré- formes effectuées au sein de la hiérarchie supérieure de l’institution, dont les motifs n’ont jamais été précisés, pourraient se révéler « néfastes » pour l’actuel directeur général, qui pourrait se retrouver dans les cordes.
Une enquête qui ne peut plus être décommandée
Le commissaire Normil Rameau, à qui a été confiée la tenue d’une enquête au sein de la Police parle
directeur général, s’est acquitté de la tâche dans un temps record, parce que, sans autorisation du DG, il avait entrepris sa propre enquête. Aussi était-il en mesure de demander à Gédéon de mettre deux officiers à sa disposition, car il avait l’intention de les mettre « en isolement ».
Sur ces entrefaites, le directeur général a pris les dispositions d’accéder à la requête du commissaire enquêteur. Mais avant de passer aux actes, le chef de cabinet du DG, le commissaire Jean Miguélite Maximé, l’a mis en garde contre la décision de livrer les commissaires Noëlsaint et Franciène Moreau à M. Rameau. Car,lui dit-il, ce faisant équivaut à exposer le DG aux « intrigues » de Rameau.
Il semble que Normil Rameau ait été chargé par le Palais national de mener une enquête dans le dos du directeur général et qu’il devait présenter son rapport au président haïtien sans rien communiquer à Gédéon. Une source proche de la direction générale a fait savoir que Nèg Bannann nan voulait monter un dossier sur Michel-Ange Gédéon et qu’il avait confié cette mission à Rameau.
Lors des dernières réformes instituées au sein de la PNH par le DG, le commissaire Rameau était
nommé à un poste diplomatique en République dominicaine. Mais une source proche de la présidence a indiqué que celle-ci avait informé ce dernier qu’il n’est pas obligé d’accepter le poste de Santo Domingo et qu’il est libre de choisir là où il veut être transféré.
On apprend que le Palais national a décidé de l’envoyer à Washington.
Cette dernière source a affirmé également que Jovenel Moïse et ses conseillers auraient conseillé à Normil Rameau de faire en sorte que soient communiqués au secteur américain « qui assurait la défense de Gédéon » et qui s’opposait à sa mise en disponibilité comme directeur général de la PNH les résultats de l’enquête qu’il a menée sur lui et ses alliés au niveau de la hiérarchie de l’institution.
L’affaire du Bateau d’Acra est bel et bien relancée. L’enquête ouverte par les Américains ne se limite pas dans le temps et l’espace. Car quand il s’agit de poursuivre les trafiquants, qui font transiter les drogues en Haïti pour les transporter en Amérique du Nord, particulièrement à Miami, le justice de ce pays se donnent les « grands moyens » pour les forcer à cesser leurs activités. Assurément les dirigeants américains vont tenir compte du volume de cocaïne et d’héroïne qui a été transporté en Haïti par le Manzanaras pour se convaincre que cette cargaison était bel et bien destinée à être déversée sur
le marché américain.
Quant à l’enquête pilotée par Normil Rameau, reste à savoir qui en seront les victimes, car il y a de fortes chances qu’elle provoque des pleurs et des grincements de dents l
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 22 août 2018, et se trouve en P. 1, 9, 15, à : http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2018/08/H-O-22-aout-2018.pdf