SUITE À L’EXHORTATION À LA BONNE GOUVERNANCE FAIT PAR L’ÉVÊQUE DE JACMEL
- Jovenel Moïse part en guerre contre l’Église catholique
Il semble que Jovenel Moïse soit en mode de guerre. Dans un premier temps il a décoché des flèches incendiaires en direction de la Conférence épiscopale d’Haïti, en réaction à l’intervention du président de cette institution, Mgr Launey Saturné, évêque de Jacmel critiquant la mauvaise gouvernance et la gabegie administrative qui sévit dans le pays. Dans un second temps, il s’est attaqué en justice à Fritz
Jean, économiste, ancien directeur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) et ex-candidat au poste de Premier ministre désigné par Michel Martelly. Une telle attitude met en évidence l’état de nervosité de l’administration Moïse-Lafontant confrontée à des crises socio-économiques dont les solutions ne semblent pas s’annoncer pour demain.
Profitant de la célébration de la consécration d’Haïti à Notre Dame du Perpétuel Secours, qui remonte déjà à 75 ans, dans le cadre de la grande cérémonie qui se tenait au Stade Sylvio Cator, mercredi soir (30 juin). En présence de plus de 10 000 personnes, des fervents catholiques pour la plus part, Jovenel s’est laissé aller. Bien qu’il se soit gardé de citer de nom, aucun doute n’existe quand au secteur ciblé. Il
a commencé son envolée en tant qu’intervenant à cet événement en disant : « On ne peut construire un pays sur le mensonge, sur des fausses informations, des rumeurs, la haine, la violence et l’hypocrisie. Ces actes sont contraires à l’Évangile ».
Ces propos de M. Moïse exposent, non seulement le ressentiment qui l’habite, mais encore et surtout l’intolérance qu’il porte à l’égard des critiques formulées par Mgr Saturné, de toute évidence formulées au nom de l’Église catholique d’Haïti et dont l’impact sur le pays n’est pas à minimiser. Surtout quand les reproches tombent à point nommé et se confondent avec l’opinion de la majorité des Haïtiens sur la performance du régime tèt kale dirigé par le tandem Moïse-Lafontant.
La majorité des fidèles catholiques ont laissé le Stade
Qu’il soit dit que les propos acerbes tenus par Jovenel Moïse, lors de la célébration de la consécration de Notre Dame du perpétuel secours n’ont pas laissé indifférents les fidèles catholiques présents. Car plus de deux tiers d’entre eux ont défilé vers les sorties en signe de protestation de ce qu’ils qualifient de « paroles irrévérencieuses et mensongères » tenues à l’adresse de la hiérarchie catholique. Selon les plus enthousiastes des adeptes de l’Église de Rome, leur sortie collective du Stade constitue un début de réponse à Jovenel Moïse qui, depuis quelque temps, ne cache point son hostilité aux chrétiens
catholiques.
Il est intéressant de constater que cette démobilisation en masse, qui a eu lieu au Stade Silvio Cator, en réaction au discours anticatholique de Jovenel Moïse, a été spontanée. Puisqu’il n’aurait jamais été possible d’organiser un tel mouvement sur place. Surtout que personne ne savait que le discours du président de la République allait avoir une teneur aussi violente et intolérante.Cela exprime l’attitude d’une collectivité franchement déconcertée par le discours intolérant du premier citoyen du pays qui aurait dû faire preuve de pondération, de sagesse et d‘autocontrôle, qualités généralement inhérentes à un dirigeant authentique.
L’inimitié que voue Jovenel Moïse ne se limite pas seulement à ce discours scabreux de ce dernier au State Sylvio Cator, mercredi dernier. Elle s’est de plus manifestée dans le refus de la présidence d’accorder l’accès du Palais national aux dirigeants catholiques.
En effet, dans le cadre de la célébration de la consécration d’Haïti à Notre Dame du Perpétuel secours, les responsables de l’Église de Rome en Haïti avait conçu l’idée, dans le cadre de cette célébration, cette année, d’effectuer la reconstitution de l’événement, au Palais national, c’est-à-dire le même geste de consécration qui avait été posé en juin 1942, sous le gouvernement d’Élie Lescot, quand fut
proclamée la consécration du pays à Marie. Dans la réalisation de cette cérémonie, que les dirigeants de l’Église catholique d’Haïti croyaient possible au siège officiel du pouvoir, allait être exposé l’icône de la Vierge Marie. Ce que ces derniers avaient pris pour un fait accompli, vu l’accueil qu’avait traditionnellement reçu un tel événement auprès des dirigeants haïtiens, s’est révélé un leurre, les présents occupants du Palais national ayant opposé un refus sans appel à cette demande d’hospitalité pour la femme la plus vénérée par l’Église catholique.
Un plan de rechange de cette commémoration abandonné
Confrontés au refus catégorique de Jovenel Moïse et de son gouvernement d’accueillir, au Palais
national, la célébration du 75e anniversaire de cet événement, un plan de rechange était élaboré
consistant à l’organisation d’une cérémonie devant le portail du Palais. Ce projet prévoyait une cérémonie religieuse à l’entrée de la résidence officielle du président de la République où auraient été
réunis les fidèles pour la bénédiction du pays.
Ce projet a été tout bonnement abandonné sans qu’aucune explication ait été donnée pour expliquer la non tenue officielle du renouvellement de la consécration du pays à Notre Dame du Perpétuel Secours. Faut-il conclure alors que celle-ci n’est plus la patronne d’Haïti ? À moins que cette cérémonie se soit déroulée dans un lieu privé ou un espace qui ne recèle pas le « symbolisme » du siège du gouvernement.
Cette « hostilité ouverte » par Jovenel Moïse contre la hiérarchie catholique suscite de nombreux commentaires dans les milieux politiques, en Haïti dont l’un des plus importants renvoie à la prédisposition naturelle de Nèg Bannann nan à l’hostilité contre les catholiques. D’aucuns évoquent la première dame, Martine Joseph-Moïse, en tant que adepte du vaudou, qui aurait influencé les gestes et discours de son mari. Des sources proches de la famille présidentielle ont laissé entendre que la première et sa copine Magalie Habitant, qu’elle a choisie pour le poste de ramasseuse de fatras à Port-au-Prince, fréquentent le même hounfor et servent les mêmes loâs.
Un pays malade, dit Mgr Launey Saturné
Le président de la Conférence épiscopale haïtienne (CEH) n’a pu s’empêcher d’exhorter les dirigeants du pays à faire de leur mieux pour sortir le pays du gouffre où il croupit présentement. Haïti est un pays malade, a-t-il dit, à l’occasion de la clôture de l’année jubilaire, le 15 juin, à La Vallée de Jacmel, dans le sud-est. En effet, Mgr Saturné a déclaré dans son homélie cité dans l’édition du 28 juillet du quotidien Le Nouvelliste : « Si depuis 1978 l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que la maladie de la petite vérole est éradiquée à travers le monde, Haïti a d’autres formes de petite vérole qui le ravagent ».
Précisant encore mieux, plus loin dans son message, le prélat d’ajouter : « Les formes de petite vérole touchent plusieurs domaines, y compris l’appareil judiciaire. Des gens qui devaient répondre de leurs actes circulent dans les rues sans se soucier le moindre du monde. Pire encore, des gens qui étaient derrière les barreaux sont relâchés tout simplement après un appel téléphonique. Ces choses ne peuvent en tout cas provoquer qu’un climat d’insécurité dans le pays ».
Précisant encore davantage sur la métaphore de « la petite vérole », Mgr Saturné a souligné : « Les formes de petite vérole touchent plusieurs domaines, y compris l’appareil judiciaire. Des gens qui devaient répondre de leurs actes circulent dans les rues sans se soucier le moindre du monde. Pire encore, des gens qui étaient derrière les barreaux sont relâchés tout simplement après un appel téléphonique. Ces choses ne peuvent en tout cas provoquer qu’un climat d’insécurité dans le pays ».
La métaphore évoqué par le président de la CEH n’échappe nullement à la compréhension collective des citoyens liant les explications de Mgr Saturné à l’affaire PetroCaribe et aux personnalités proches du Palais national, arrêtées pour crime et incarcérées sont mises en liberté à la faveur d’un simple « appel téléphonique ». En outre, personne n’ignore que des gens qui devaient répondre de leurs actes courent encore les rues, auxquels le prélat fait allusion ne sont autres que les dilapidateurs du fonds PetroCaribe qui cherchent par tous les moyens à s’éloigner de leur punition. Ils courent encore parce que le Palais national s’oppose à ce qu’ils soient traduits en justice.
Jovenl Moïse croise le fer avec Fritz Jean
Parallèlement à ses attaques contre la hiérarchie catholique, Jovenel Moïse s’en est pris à Fritz Alphonse Jean, économiste, ex-gouverneur de la Banque de la République d’Haïti qui a été aussi le
choix de Michel Martelly comme Premier ministre.
Par le l’intermédiaire de son avocat, le citoyen Jovenel Moïse a adressé une sommation contre M. Jean, lui enjoignant de renoncer à ses déclarations sur Agritrans, la société de figue banane de celui-là présentement dans les limbes.
Cette sortie du président de la République contre M. Jean, déclenchée par l’actuel président d’Agritrans, Pierre Richard Joseph, en date du 19 juin 2018, s’inspire des déclarations faites antérieurement par ce celui-là, lors d’une conférence à l’Université Quisqueya.
Fritz Jean avait, dans ses propos, mis en question la viabilité de cette entreprise, dans la mesure où les dépenses dépassent de loin les recettes. Il avait pris comme exemple la livraison d’un seul container de bananes à l’Allemagne, au coût de USD 25 000,00 $ pour faire aboutir le bateau au port d’embarquement, alors que les recettes se situent à USD 10 000,00 $.
On n’a pas besoin d’être un expert en économie pour comprendre qu’à ce rythme aucune entreprise ne peut survivre. En effet, Agritrans ne semble pas jouir d’une bonne santé. Car elle ne semble pas être en mesure de relever le défi que constitue l’exploitation des plantations dont les productions n’arrivent pas à se convertir en profits pour la société.
Fritz Jean a réagi à la sommation de Moïse dans les vingt-quatre heures, demandant, pour sa part que M. Jovenel soumettent une série de documents liés à l’exploitation de son entreprise. Parmi les documents exigés de Jovenel Moïse et de Pierre Richard Joseph, en vertu de la sommation émise par l’avocate de l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Me André Michel, on relève, notamment, patente de fonctionnement d’Agritrans S.A pour les dix dernières années; le quitus fiscal d’Agritrans pour les dix dernières années; les différentes déclarations définitives d’impôt pour les dix dernières années; la liste des actionnaires et les états financiers d’Agritrans pour les dix dernières années avec relevé des opérations bancaires.
La contre-sommation de Fritz Alphonse Jean est adressée à : Pierre Richard Joseph et Jovenel Moïse, respectivement président directeur général et ex-président directeur général d’Agritrans.
Si Jovenel Moïse n’a rien à craindre en ce qui à trait à son malentendu avec l’Église catholique, il risque de se retrouver dans de beaux draps avec M. Jean, s’il ne recule pas avec sa sommation. Puisque les points soulevés dans l’injonction à lui faite par ce dernier sont étroitement liés aux accusations de l’Unité centrale de référence fiscale (UCREF) relatives à l’inculpation du président haïtien pour blanchiment d’argent.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 4 juillet 2018 et se trouve en P. 1, 3 à : http://haiti-observateur.org/wp-content/uploads/2018/07/H-O-4-juillet-2018.pdf