Le Konpa Dirèk et la Coupe du Monde de Football 2018

Le konpa dirèk et la Coupe du monde de football 2018 par Robert Noël

  • Faits révélateurs et constats

Personne n’ignore que la Coupe du monde de football représente le plus grand événement sportif
de tous les temps. Elle symbolise la paix entre les peuples. Dans des pays où l’insécurité fait l’actualité
quotidiennement, la Coupe du monde aide à rétablir l’ordre naturellement, sans l’assistance des
autorités de maintien de la paix. Tous les citoyens du monde sont aujourd’hui préoccupés par la
Coupe du monde de football, même quand leurs pays d’origine ne participent pas au Mondial.

Une nouvelle approche pour compenser le manque à gagner
On sait que rien n’existe sans son contraire. La Coupe du monde de football affecte aussi quelques  activités de divertissements nocturnes, principalement dans la communauté haïtienne, tant à l’intérieur du pays qu’en terre étrangère. Par exemple, le monde du konpa dirèk fonctionne au ralenti depuis le 14 juin, date marquant le début de cette Coupe. Les groupes musicaux haïtiens ne sont plus programmés avec la même fréquence pendant le déroulement du Mondial.

Les organisateurs de soirées dansantes deviennent plus méfiants en cette période de festivités sportives. Si on fait un tour d’horizon de la scène HMI, on verra que les calendriers des groupes musicaux sont maigres en ce moment. On ne s’étonne pas que les bals organisés le weekend du 15 juin, à Orlando, Floride, n’aient pas réussi. Des promoteurs n’ont pas fait bonnes recettes, te vèvenn, se konprès ak kafe anmè sou tèt. La « Haitian Academy Music Award » d’Orlando n’a pas attiré grand monde. Les organisateurs de cet événement sont déficitaires, mais ils ont au moins présenté l’événement comme ils l’avaient annoncé. Mots d’honneur !

La soirée qu’a animée le Djakout #1, à Orlando, le wee-kend écoulé, n’a pas fait le traditionnel qui le caractérise. Il n’a pas drainé la grande foule. Déception et grand embarras, selon certaines gens. On fait croire que l’absence de Steeve Khé a été un handicap majeur pour ce groupe musical. Le vendredi 15 et le samedi 16 juin, le groupe Nu Look a honoré deux contrats alléchants à New York. Certains ont fomenté un boycottage contre Nu Look, d’après certains observateurs. Le groupe Klass était à Boston, le weekend dernier.On apprend que cette formation musicale n’a pas réédité l’exploit qu’elle avait réa- lisé en Floride, la veille du Compas festival. Tout comme Nu Look, Klass est aussi susceptible d’un boycottage de certains animateurs et promoteurs. Konplo pi fò pase wanga, dit le proverbe haïtien. Atansyon pa kapon, se mèt kò k veye kò.

On constate aussi que des promoteurs et des animateurs de radio sont divisés et s’entre-déchirent. À quelle fin ? L’on se demande si les compétiteurs ne s’entre-tueraient au cas où cette industrie générerait des millions par année. L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître, dit le vieil adage. Pour qu’il y ait compétition, il faut que les autres existent. La tolérance devrait être considérée et utilisée comme un paramètre important pour l’avancement d’une société ou d’un peuple. La pratique d’une telle
vertu aiderait aussi les musiciens qui comprennent qu’il existe une différence énorme entre compétition et polémique.

La planification vaut mieux qu’un choix arbitraire
Face à la conjecture actuelle du marché musical konpa dirèk, on ne peut pas espérer que toutes les
soirées dansantes réussissent. La situation s’aggrave de jour en jour, surtout avec la distraction que cause la Coupe du monde. Les musiciens doivent invoquer leurs saints patrons pour que le Brésil et l’Argentine avancent en seconde phase des compétions. Si les sélections du Brésil et de l’Argentine perdent un match ou bien sont éliminées du Mondial, leurs sympathisants vont bouder les invitations aux soirées dansantes, tant en Haïti qu’en diaspora. La Coupe du monde de football ne devrait pas affecter les activités nocturnes si de bonnes structures avaient été mises en place. On devrait se préparer en conséquence pour empêcher que le Mondial ne trouble le calme entre citoyens d’un même pays. .

On note une certaine peur ou une grande prudence des groupes musicaux, à l’occasion de cette Coupe du monde. Si l’on fait fi des déclarations de Gazzman Couleur, il y aura une effervescence sur la scène HMI, après la Coupe du monde, quand Disip aura produit son nouvel album. Dans le langage vernaculaire haïtien cela voudrait dire « pral gen kouri ». On espère que le chanteur vedette de Disip allie l’acte à la parole. On souhaite que l’album auquel Gazzman fait référence soit d’aussi bonne facture que le dernier disque « Klere yo », tant sur le plan de la qualité musicale que de la sonorité.

Il n’y a pas que les musiciens qui s’inquiètent de l’accalmie constatée à l’occasion du Mondial 2018. Les démarcheurs / « koutye », qui essaient de trou- ver des contrats d’engagements pour les groupes musicaux, sont très essoufflés en ce moment. Ils ne savent à quels saints se vouer, et saint-centime se fait rare. Ils doivent certainement adopter des stratégies scientifiques fiables pour compenser le manque à gagner qui résulte des effets de la Coupe du monde. On doit faire son lit avant de se coucher, car la planification en business vaut mieux qu’un choix arbitraire.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition 20 juin 2018 et se trouve en P. 16 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/06/H-O-20-juin-2018.pdf