Le marché musical compas direct : Les musiciens à salaire journalier (giggers) en révolte, par Robert Noël
Toute action provoque une réaction, selon la troisième loi de New ton. Et les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances. Principe de causalité ! Cela se confirme aussi dans l’industrie haïtienne de la musique « HMI », où le salaire des giggers demeure stagnant. Les groupes musicaux et leurs fondateurs exigent des promoteurs et des organisateurs de soirées un cachet plus élevé aujourd’hui, considérant l’augmentation du coût de la vie. Pourtant, les giggers reçoivent le même
salaire, sans bénéfices sociaux, et cela peu importe leur ancienneté au sein de leurs groupes musicaux respectifs. Tel est le cas des giggers de Nu Look qui se sont révoltés face à cette situation.
L’éveil de la conscience collective des giggers
La lumière luit dans les ténèbres. Une prise de conscience collective de ces musiciens giggers les a
forcés à adopter une position ferme pour défendre leurs intérêts personnels. Ils se sont mis debout comme un seul homme pour revendiquer leurs droits, exigeant une augmentation de salaire du
fondateur-maestro-chanteur manager de Nu Look, le jour du départ de cette formation musicale pour Haïti, où celle-ci allait honorer des contrats alléchants, parmi eux un accord pour assurer l’animation musicale à une réception de mariage.
Nu Look exige de fortes sommes pour ses services d’animation.Comment donc expliquer qu‘il ait réclamé USD 10 000 $ pour animer une soirée de levée de fonds à New York, le 27 mai 2017, et les giggers n’aient reçu qu’une pitance comme rémunération. Et la ponctualité au rendez-vous n’a pas été respectée. Tout cela peut être prouvé légalement au tribunal si besoin se fait sentir. Hyacinthe, associé du maestro et cosignataire de ce soi-disant contrat présenté sur un papier volant, n’a pas non plus défendu la cause des giggers. Les preuves sont encore là. Nu Look n’est pas le seul groupe compas direct qui s’adonne à cette pratique, que certaines gens qualifient comme étant une forme d’exploitation.
D’autres ensembles musicaux très connus se trouvaient dans la même situation, mais ils avaient convoqué les musiciens revendicateurs à une réunion pour écouter leurs doléances et ont fini par satisfaire leur demande d’augmentation de salaire. La gravité de la situation, dans le cas de Nu Look, réside dans le fait que le maestro, Arly Larivière, a été pris au dépourvu à l’aéroport, avant l’embarquement des musiciens à bord de l’avion, d’après une source proche de Nu Look.
Larivière avait le dos au mur et ne pouvait reculer, ni prendre une décision sur le champ qui pourrait
être au détriment de sa formation musicale. Enfin, les protagonistes avaient trouvé un terrain d’entente et Nu Look s’est rendu en Haïti pour satisfaire ses engagements. L’hypocrisie va certainement atteindre son paroxysme entre les musiciens et l’administrateur de Nu Look.
La revendication des giggers et les possibilités de réaction du grand décideur de Nu Look
Certains observateurs se demandent si André Déjean, le trompettiste,avait avalisé un tel mouvement
de revendication. Il reçoit un salaire décent lui permettant de répondre à ses besoins sans difficulté. Nous connaissons exactement le montant qu’il reçoit par prestation, mais nous nous gardons de le dévoiler publiquement. Aurait-il intérêt à prendre part au mouvement de revendication d’augmentation de salaire des giggers ? André fait toujours dans le mutisme. Il n’accorde pas d’interviews facilement
et sait comment se démarquer des animateurs de radio qui cherchent à obtenir ses opinions sur un quelconque sujet en rapport avec la musique ou aux problèmes internes de Nu Look.
Après l’incident qui s’est produit entre Arly et les giggers, André Déjean va, plus que jamais, éviter les animateurs de radio et les journalistes culturels. Il connaît le terrain mieux que tous les giggers de ce circuit musical, ayant roulé sa bosse dans cet univers artistique depuis les années 60. Donc, rien ne peut l’étonner aujourd’hui. Il ne fait qu’assurer sa fonction, travaillant pour l’avancement de Nu Look. D’ailleurs, c’est lui qui a intégré, Jocelyn, le jeune et nouveau saxophoniste au sein de cette formation
musicale. André Déjean « se lèt li vin bwè, li pa vin konte ti bèf ».
On doit quand même s’attendre à une réaction du maestro manager à son retour en Floride. Une chose est sûre, il ne pourra pas mettre tous les giggers en disponibilité. Cela aurait été possible si les musiques de Nu Look étaient écrites sur partition pour tous les instruments. Dans une pareille circonstance, les musiciens remplaçants n’auraient qu’à lire et exécuter fidèlement les pièces musicales écrites. On s’attend tous à une réaction d’Arly, lemaes. Cette action préméditée des giggers crée une forte tension entre le fondateur de Nu Look et les musiciens grévistes. La bonne entente qui régnait au sein de ce groupe musical avant la prise de position des protestataires ne sera plus la même.
L’énergie qui se dégagera sur scène ne pourra être plus celle qui précédait l’incident. La confiance
mutuelle n’existe plus. C’est exactement la situation du chat et de la souris qu’on vit actuellement,
« Youn ap veye lòt ». Il y a des coups beaucoup plus terribles qui se fomentent encore. Le fondateur-
manager ne saura vraiment à quoi s’attendre puisque tout est possible. Entre-temps, les révoltés caressent un rêve commun, et ils ont un plan B. La seule garantie c’est qu’ils ne pourront pas traduire le maestro en justice puisqu’ils fonctionnent tous dans l’illégalité. Ils n’ont jamais pensé à légaliser leur business en payant les taxes et les impôts à l’Oncle Sam.
La révolte des musiciens marque un tournant décisif dans l’histoire des giggers de la musique compas direct. On doit s’attendre aussi à un effet domino qui va atteindre d’autres giggers faisant partie d’autres groupes musicaux. Cette décision des giggers du Nu look aura un impact certain aussi sur les organisateurs de soirées dansantes. Le cachet que Nu Look va réclamer pour animer une soirée connaîtra une hausse, ce pour compenser le man que à gagner du décideur de cet ensemble musical, après un possible ajustement du salaire des giggers, qui ont quand même une alternative, surtout quand on sait que les compagnies de taxis Uber et Lyft engagent des chauffeurs continuellement.
Il y en a déjà parmi eux qui sont des employés permanents de ces entreprises, où ils reçoivent un meilleur salaire leur permettant d’avoir un budget hebdomadaire. Beaucoup d’entre eux ont un foyer et doivent répondre à leurs besoins immédiats et à ceux de leurs familles. De source digne de foi, on apprend qu’une association de giggers sera créée en 2018. On espère qu’en cette nouvelle année, les fondateurs et responsables de groupes musicaux fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour changer le mode de fonctionnement du marché musical compas direct pour le mieux. Qu’ils écoutent la voix de la raison qui les guidera dans le sens d’un meilleur salaire à offrir aux giggers, qui, vraiment, méritent mieux.
robertnoel22@yahoo.com
la version intégrale de cet article de l’édition du 10 janvier 2018, se trouve à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/01/H-O-3-Janvier-2018.pdf